dimanche 30 décembre 2007

Rencontre d'un troisième type

J’ai deux ou trois coups de fil, des rendez-vous à prendre, ma routine, mais ce matin je n’en ferais rien. Trop difficile. Je ne ramasse pas le lait enfui de la casserole, il brûlera demain sur la surface blanchâtre de la cuisinière - que j’aurais alors le plus grand mal à restaurer. Je renverse une goutte de café au lait sur mon plancher, je dois me rappeler de ne pas marcher dessus. Clavier sur mes cuisses rondes, pieds nus sur le bureau, je voudrais bander un bon coup, ça me soulagerait peut-être de cette envie de rien. Je ne veux rien bouffer, je ne veux pas jouir, je veux bander. Je me promène dans mes fichiers, en faits les images de mecs à poil m’emmerdent, elles ne sont que des ombres, il me faut quelqu’un, une rencontre, un vrai être humain. Est-ce que j’ai un message sur le site de rencontre gay et lesbien ? Pas de message, tant pis, je vais rêver un peu sur les bouilles et les torses qui s’exhibent sur le dial. Un ou deux bogosses, bon, quand on voit ce qu’on voit, je vais me couler un café. Je me traîne jusqu’à la machine et cela me donne l’occasion de regarder un peu plus longtemps par la fenêtre, il fait gris et le voisin d’en face balade son gras, son caleçon long fatigué, ses lunettes marronnasses dans son décors des seventies, pas vraiment fashion, hein, non, pas rénové depuis. Ce bonhomme sent le moisi d’ici, il est la raison qui m’empêche d’ouvrir les rideaux de ma chambre et d’ailleurs je vérifie maintenant qu’ils sont bien soudés. Ah, tiens, un bref slt d’un gars qui semble avoir une belle tête. Je regarde son profil, 30 ans, 1m75, 65kg, brun, yeux verts, tatouage ah ouais ? Tatoué le mec. Célibataire, encore heureux. Slt. Il habite dans un bled pas loin et il est banquier. Son pseudo est bizarre : jmlépoil. Il est marrant ton pseudo j'écris, et lui me répond derechef :

Je lit dans ton profil que tu ai poilu

Ouais ouais

J’adore les poile

Je m’en doutais

Commen ta su

Ben ton pseudo

Oki

Lol

Ten a beaucoup des poile

Euh ouais

partout ?

Partout

j‘adore

moi moyen je t’avoue

encore un qui s’aime pa

bvoui

hin ?

oui, lol, encore un

encore un koi ?

Laisse tomber

Tes poile sa me fai bander

Tu bandes ?

J’ai envie te bouffé les poiles desous les bras je veu te lécher partout et bouffé tes poiles de ton trou du cul et tu véra je sui ta chienne tu pourra m’enculer comme ta pute et sache ke je sui la suseuse la plus salope ke té rencontré

Hem comme j’avais du boulot, je me suis cassé du dial, le gars je ne l’ai pas jeté, un ciao poli, excuses mignonne, j’ai du taffe. Mais quand même, jobard ou pas, le fait de savoir qu’il y avait un garçon, plutôt bien foutu, derrière cette logorrhée qui me disait j’ai envie de toi, j’en étais ému. Rien que de m’imaginer franchir le pas, lui donner rendez-vous, aller chez lui, le cartonner comme il demande, ça me va pour aujourd'hui. Un désir un peu sale mais dont je sais pouvoir me débarrasser facile. D’un jet de plume…

samedi 29 décembre 2007

Viol

Jane, tu le sais maintenant, mon Dorian était mon meilleur ami et il était en Droit. Il brillait, je le jure, mais en moi. De l’imaginer et de l’imaginer loin de moi, ou en affaire avec un autre, physiquement je me déréglais, je ne trouvais plus de rythme, de respiration, c’était comme si mes poumons, le droit, le gauche, refusaient l’oxygène et sous prétexte d’en manquer, ils se mettaient en panne. J’en avais le cœur sans tempo, plusieurs fois je me suis vu mourir, en pleine nuit, ça me réveillait, je pensais à lui, à mon Dorian et je croyais qu’il n’était qu’un destin pour de telles amours, maudites, immenses, la mort. Cependant je vivais. J’aimais, je désirais et le sujet de ce désir me téléphonait chaque jour, me sollicitait. Je me suis cru heureux, je l’ai déjà écrit, je me noyais dans l’ombre de Dorian, je me satisfaisais de cette flaque d’ombre passant sur moi, je m’y blottissais, je m’y complaisais. Jane, le souvenir de ce gros garçon qui ne respirait plus m’est aujourd’hui la sensation d’un viol, Jane, j’emploie ce mot. Un long viol silencieux, une main sur mon désir et pas sur moi. Je voulais des murs blancs autour de moi, je mettais des vêtements pastel, larges, et je mangeais des gros plats de pâtes avec du fromage, du beurre et de la crème. Je m’engageais en politique, avec passion mais sans force. Le comble de tout, je n’arrivais pas à écrire. Je ne lisais rien, ne supportais pas la musique, méprisais le théâtre et pestais contre le prix des places de cinéma. Je me moquais bien de pratiquer un sport et d’ailleurs, outre les fatigues inutiles, j’évitais aussi les autres. Moi qui fut un être affectueux et tactile, Dorian m’a appris à ne plus toucher les gens. Ils se sentent – il se sentait – agressés. Mais à cause de cette convenance absurde et destructrice j’ai pu passer trois lustres sans toucher un autre humain et, pire encore, sans que personne ne me touche. Cela me rendait fou. J’ai accepté longtemps ce compromis parce qu’il me permettait de rester près de mon Dorian. Mais cela me rendait fou. Jane, ma chérie, ma jolie, toi qui sais certaines choses… Comprends-tu que l’on puisse avoir été violé justement de ne pas avoir été touché ? Ne jamais tenir un corps contre soi, peau contre peau, n’en avoir même pas le souvenir, est-ce que ce n’est pas d’une violence inouïe ? C’était la négation de mes désirs, la négation de ma volonté, l’annulation de ma personne. J’aurais pu devenir fou à m’en scarifier le visage, à en hurler la nuit à m’en péter les veines, à en défoncer les murs avec ma tête ou, mieux, à prendre mon Dorian comme un enfant secoué de sanglots dans mes bras. La chair. Existe-t-on sans la chair, sans le témoignage de la chair ?

vendredi 28 décembre 2007

Le détail

Avec Jane, il nous arrive de parler même du passé, alors que c’est juste la chose la moins intéressante du monde. Dans ce restaurant un peu gone’s roots, tripailles et fois de volaille, saucisson chaud, quenelles au brochet… des mets à te plomber pour la journée… c’est notre plaisir de papoter, de fluidifier l’instant avec des propos de temps qu’il fait, de celui qui passe. Nous abordons l’inutile avec le sentiment d’être dans l’essentiel et, tiens, elle me dit tu te rappelles nos jeunes années. Rien ne peut me gonfler davantage que les réunions d’anciens élèves – et puis d’abord je n’ai pas du tout l’intention d’être un vieux et là-dessus je saurais rester intransigeant, et je ne dis pas ça juste parce que j’ai bientôt 33 ans (ou non, plutôt 34 ?) et que je me réveille un peu tard mais chez les pédés, si j’ai bien tout compris, au-delà de tes 35 ans c’est plus la peine. Toujours est-il que c’est chiant le passé, lorsqu’on l’évoque j’ai toujours l’impression que c’est pour te barrer l’avenir. Pourtant il y a bien deux ou trois souvenirs excitants… j’ai aimé traîner avec cette espèce de fille dans les rues de Lyon, je sais que j’ai rit à perdre gorge – voire à rendre – si souvent à cause de ses airs de bourgeoise et ses manières de punkette à clebs en jupette et bas mauves, alors j’aurais mauvaise grâce à me lamenter. D’ailleurs la jouissance du souvenir je ne peux la nier. Avec ma copine Jane nous échangeons, au moment de la tarte aux pralines, des sourires affectueux. L'estomac bien calé, on peut dire que ça ne rend pas belliqueux et je me laisse avoir à ce truc écoeurant de l'évocation nostalgique. Comment nous avions tous décidé de s’inscrire en fac de Droit non pour devenir avocat, juge des enfants ou je ne sais encore quelle couillonnade, plutôt parce qu’on avait entendu le message de Coluche : 5 ans de Droit le reste de travers. Comment nous avions hérité d’un local sous l’amphi ou nous mangions, chantions, rigolions, discutions mais pas tant que ça de syndicalisme étudiant et de politique. Ouais, sûr que c’était le temps de l’amitié. Seulement il y avait un hic. Un détail, comme dirait l’autre, je vivais une histoire, secrète, qui m’est aujourd’hui une souffrance et qui se jouait au quotidien pendant cette grande époque des copains. Un drame que je ne ressentais pas comme tel, peut-être parce qu’il ressemblait tellement au bonheur ?

J’aimais.

jeudi 20 décembre 2007

Jane

Un trou de mémoire. La nuit est un trou de mémoire. Je me réveille avec une tronche, j’ai l’impression qu’elle rapetisse. Au-dessus de la couette il fait un froid pas admissible, et je suis sûr que mes grille-pains sont à fond depuis hier. Je me chauffe avec des radiateurs aussi petits que des machins pour les toasts. Chers en électricité. Et qui assèchent l’atmosphère, ce qui n’est pas du luxe dans cet appartement qui sent assez vite la pourriture, mais pour l'instant ça n’améliore pas mon état de déshydratation avancée… merde, est-ce que je n’avais pas un rendez-vous à 10 ou 11 heures, je ne m’en rappelle pas. Quelle heure… ? Putain midi, je m’en fous de mes rendez-vous, je les ai loupé de toutes façons. Mission Advil, Citrate, verre d’eau, vite, les pieds nus sur le carrelage, et couette.

Le téléphone. C’est le téléphone qui m’a réveillé. Qui donc a pu me faire ça ? Je n’ai pas trop la force de vérifier mon intuition. Tout mon corps réclame du repos, mes tempes battent, mon coeur s’emballe et je préfère me réfugier le nez dans l’oreiller. Si c’est Jane qui appelait tout à l’heure, cent balles qu’elle remet ça dans la demi-heure, je devrais le débrancher ce fichu téléphone.

Bon, c’était Jane. On devait manger ensemble à midi et elle est d’accord pour repousser. Enfin j’ai juste une heure pour me laver, m’habiller. Me remettre. Rendez-vous sur le plateau de la Croix-Rousse à 13h10 :

« Après ils ne servent plus t’as intérêt de ne pas me faire poireauter ! »

Elle fait sonner mon portable à 13 h, puis à 13 h 05 et s’apprête à le faire une fois encore quand à et 10 pétante je débarque dans le resto. J’ai une mine à faire peur, ce qui lui arrache un sourire sardonique. Au contraire elle est pimpante au comptoir, son clope empanaché de bleu au bout des doigts, assise, que dis-je, juchée sur un haut tabouret, croisant les jambes et montrant fièrement…

« Des nouvelles bottes de cow-boy » lui dis-je en guise de bonjour et, en effet, la jeune femme n’est pas peu fière de ses nouvelles chaussures qui lui couvrent les mollets, jusqu’aux genoux, d’une fine croûte de cuir. Ses lèvres à la pulpe à peine craquelée, ses yeux en olive éclatant de malice au beau milieu de sa belle bouille ronde et blanche et les ridelles précieuses de son petit nez disent assez bien sa joie de l’instant. Elle attend le compliment et le déguste par avance.

« Joli vert, élégant, pas tape à l’œil, bravo ma chérie, belle trouvaille.

– Devine combien ? »

Je comprends son acharnement à me voir maintenant tout de suite bon d’accord dans une heure mais pas plus tard aller dépêche. Fallait que je lui dise que j’aime ses longues bottes vertes, à talons. Et que je la félicite pour son sens des affaires.

Ah, les femmes.

mercredi 19 décembre 2007

Rainbow Flag (2)

Une bousculade, dans l’entrée, les gens qui s’entassent devant le vestiaire ont l’humour un peu convenu, une joie de vivre de bon ton, des cons. Je me tiens à carreau, j’attends. La fille a l’air de s’affairer au milieu des manteaux et des parkas, pas un sourire et ses seuls mots sont « vestiaire obligatoire c’est deux euros », qu’elle répète autant de fois qu’elle peut. C’est une jeune, brunette, joufflue, de premier abord on ne dirait pas qu’elle est antipathique. Et puis c’est vrai qu’on a le droit de ne pas être joyeux tout le temps. C’est comme les caissières des supermarchés ou les ouvriers du BTP, je respecte la mauvaise humeur des employés auxquels on confie les tâches de merde. Je donne un sourire, enfin on fait ce qu’on peut. Quand je lui découvre ma dentition, à la mégère du vestiaire, je dois avoir l’air penaud du mec gentil mais qui n’est pas dans son meilleur soir, eh oui, les clients aussi ont des journées de merde. Je me fais l’effet d’être un de ces pédés qui puent la solitude et qui hantent les lieux protégés par le rainbow flag, à la recherche d’un peu moins de solitude.

« J’ai déjà un portemanteau, tu peux ajouter mon pull s’il te plait il fait grave chaud… »

Je lui tends mon pull et là elle me fait un truc que je n’ai pas prévu, elle secoue la tête. Non.

« Hein ? Pourquoi tu veux pas ? »

Elle boude elle fait encore non, mais elle ne dessert les lèvres que pour le type qui se pointe dans le sas, vestiaire obligatoire, deux euros. Moi je ne comprends toujours pas ce qui m’arrive, je suis sage, j’attends une seconde.

« Ecoute voilà mon ticket, tu le vois bien mon ticket, j’ai un ticket de vestiaire tu ne peux pas mettre mon pull avec ma parka ?»

De nouveau, elle opine du chef, avec plus de vigueur cette fois, il se pourrait que je commence à l’agacer. Elle est bien bonne.

« Si tu veux un autre vestiaire c’est deux euros »

Bon dieu de bon dieu, même dans une boîte à pédés j’inspire le mépris à une femme.

« …Tu es déjà venu poser ton pull tout à l’heure, tu me prends pour une conne ?

– mais enfin tu me confonds avec quelqu’un regarde je l’ai dans la main mon pull »

Le videur derrière me fait une petite remontrance, vas-y rentre avec ton verre et ton pull, il y a la queue dehors, pas de temps à perdre avec toi.

« M’enfin ! Quand même ! J’arrive elle rend ce service à un mec, et elle ne pourrait pas me le rendre ! En plus je lui ai demandé tout à l’heure si je pouvais revenir…

– Non mais ce n’est pas la peine de discuter Monsieur »

Attends, moi je trouve que c’est la peine. Je n’aime pas l’injustice. La fille dit que je suis déjà venu lui donner mon pull alors que je l’ai dans la main, c’est du delirium tremens caractérisé. Et si elle croit que je collecte tous les pulls du coin…

« Non mais il ne faut pas discuter Monsieur.

– …elle n’aura qu’à me donner mon portemanteau elle verra tout de suite que ce n’est pas le cas, non, vous n’êtes pas d’accord ? »

Alors le videur demande mes affaires et sans même vérifier mes dires me pousse vers la sortie.

« Maintenant vous sortez Monsieur, vous avez fini votre verre, vous le posez et vous sortez. »

Comme j’esquisse une petite protestation, il s’énerve et il m’envoie balader sur le trottoir. J’enfile vite mon pull et ma Parka, il faisait – 2°C en plein soleil tout à l’heure. J’ai une rage profonde qui me tenaille. J’ai honte aussi devant les gens qui me jettent des coups d’œil étonnés, peut-être même méprisants, qui attendent pour entrer dans cette boîte dont la porte blindée arbore les couleurs de l’arc-en-ciel.

mardi 18 décembre 2007

Rainbow Flag (1)

La musique, maldita, bat une sourde mesure, boum boum, les cœurs à l’unisson ça me réveille, c’est du désir, ça m’irrigue, je crois bien que je souris. J’entre ici sans bien savoir si j’en ai eu envie, je ne me souviens même pas d'avoir réfléchi, c’est toujours pareil, c’est l’alcool qui prend ce genre de décision. Dans le sas la fille du vestiaire est pénible, suspicieuse, elle ne répond pas à mes questions, je lui dis que je ne suis pas certain de vouloir me séparer de mon pull est-ce que je pourrais le ramener si j’ai trop chaud ? Je veux dire, sur le même vestiaire ? C’est là que je vois un mec qui lui confie son pull et elle le range sur le portemanteau ou il a déjà son sac pumas et sa parka avec la capuche en fourrure. Chouette, alors j’y vais avec mon pull, faut pas voir de problème où il n’y en a pas.

C’est un truc que tout le monde ne comprend pas, cette espèce de soulagement quand j’entre dans un lieu protégé par le rainbow flag. Les altermondialistes lui ont ajouté un mot : PACE, qui lui va tellement bien. J’ai laissé les copains tout à l’heure au sortir du bar qui est pour nous les potes du quartier un point d’attache, un rendez-vous, un antre et pourtant je n’y suis jamais tout à fait à l'aise. Sur moi, sur mes intentions, sur ma spontanéité, m'étouffant, subsiste une peau artificielle, lourde, aguerrie, endurcie peut-être par toutes ces habitudes, mes secrets, et qui ne se déchire pas comme ça. Les plaisanteries homophobes ne sont pas toujours malveillantes, mais voilà parfois elles le sont et surtout : elles sont quotidiennes, redondantes, usantes. Je sens le mépris sourdre, quand il n’éclate pas de rire ou de colère. Mes sentiments, mes désirs sont sous la menace d’un opprobre que pour l’instant je ne fais que regarder, je reste en marge. J’ai déjà expliqué que le désir me prête vie. Au bar des copains je meurs à petit feu. Une boîte ou un bar gay, en revanche, dès que j’en pousse la porte, je suis enfin en sécurité. Toute cette chape de peau calleuse et crasseuse qui m'enveloppait les tripes s’écarte comme un voile, je me sens m’ouvrir. Des gars en tee-shirt se concertent non loin du bar ils ont chacun des coiffures de star’ac, des beaux visages d’adolescents, de larges épaules et les cuisses vigoureuses… autant je peux les trouver fadasses en plein jour, dans la rue, autant là ils me font monter en température... « Souples adolescents » cette expression bandante de Jean Genet me revient tandis que je commande une vodka tonic au gros type chauve derrière le zinc. 9€, ben dites, ils ne se mouchent pas du pied. Je remarque que le barman a le crâne qui sue. J’ai trop chaud moi aussi, je retourne au vestiaire, je vais laisser mon pull.

lundi 17 décembre 2007

L'heure d'y aller

« Elle est nulle »

Voilà, c’est de cette (cruelle) façon qu’on me cueille au sortir de ma sieste, juste avant l’apéro. Mon travail est (honteusement) vilipendé par la profession, incapable de sortir de ses carcans (idéologiques). Selon ses critères (obtus) mon interview est mal écrite, on ne comprend rien et en plus elle est trop longue on avait dit deux feuillets tu me fais 3800 on ne te paye pas pour te tourner les pouces va falloir que tu te réveilles hein pourtant on n’est pas difficile c’est moi qui te le dit si tu bossais pour l’Equipe, ah non, mauvais exemple, disons pour Libé, ah non, alors disons pour Le Monde eh ben ce serait dix fois plus dur.

« Euuh écoute, je te le réécris tout de suite…

– Il est 16 h, je le veux à 17 h, ok ?

– 18 h ?

– Non, tu te débrouilles, si ton papier est une merde, moi, il me faut le temps de réagir, alors 18 h !

Et tu déconnes pas hein sinon tu sais des pigistes… »

Pfff pire que les chefs, ce sont les petits chefs. Ils n’ont que le pouvoir de nuire alors… ils nuisent. Je veux bien admettre que je ne me suis pas défoncé pour cet article j’ai même failli m’endormir devant, mais est-ce que c’est une raison ? Menacer un être humain de lui supprimer son unique source de revenu, est-ce que ça se fait ? D’accord mon interview n’est pas super bien écrite, est-ce que c’est une raison pour me jeter, moi, ma femme et mes gosses, à la rue ? Les patrons ont quand même une responsabilité sociale, non ? Quoi ? Je n’ai pas de gosses ?

Je n’ai su lui donner mon papier qu’à 19 h 15, je me suis pris une avoiné. L’heure de l’apéro est donc passée sans moi, je retrouve quelques potes avinés à la bière au comptoir de notre café habituel et l’ambiance n’est pas à la fête. J’avais oublié le vernissage. Quand je me pointe, je touche la main d’une dizaine de personnes et j’en bise à peu près autant. Le mec qui a accroché ses toiles aux murs est saoul, il déblatère sur la condition d’artiste, pas pour dire on est malheureux, on nous méprise, non non non. Le jeune homme explique qu’au contraire ce sont les autres qui ont des vies de merde, en faits c’est tellement vrai que les trois quart de l’audience (l’autre quart se croit artiste) commence à faire une tronche limite vexée et il y en a un, finalement, qui fini par l’ouvrir : ouais ben faut des gens pour faire le sale boulot et on n’est pas tous des artistes et puis pourquoi le taux de suicide est plus élevé chez les artistes, hein, s’ils sont si heureux pourquoi ils se donnent la mort, t’as réfléchi à ça ?

« Et d’ailleurs qui va se les payer tes toiles, si ce n’est pas un type qui trime comme une bouse toute la journée ? »

Alors l’artiste qui se trouve être à la tête d’une armée d’invendues, belles toiles barbouillées de couleurs sombres, femmes schématiques aux seins ronds, aux mains noires et gluantes, il monte sur ses grands chevaux en insultant tout le monde, bande de serviles grouillots du patronat, ventre mou de l’éducation nationale réfugié dans le soucis de la performance picolatoire… En vrai, il fait mouche…

La bière tourne vinaigre, ce doit être la froidure, je ne sais pas, l’approche des agapes de fin d’année, la perspective déprimante de noël, la concurrence du champagne. Les mines sont blêmes, les mentons mal rasés et les yeux cernés tombent parfois de leurs orbites, comme pour se noyer dans le brouillard d’un verre de mousse. Au-dessus du zinc où se reflète parfois le sourire du vainqueur, unes à unes les nuques ont achevé de se courber. Les éclats de la dispute me parviennent à présent dilués. Le brouhaha du café, les verres que je creuse en silence. Je gère. L’humiliation m’est une compagne salope, comme à tous ceux perdus dans ce trou qui n’en voient pas le fond. Je voudrais bercer un garçon, l’enculer, défaillir et je tais ce désir, encore une fois. J’attends l’heure d’y aller.

vendredi 14 décembre 2007

Concombre

L’oiseau blanc me rappelle, ce qui m’évite de le faire. Tu fais quoi ? Rien. Tu manges avec moi ? Oui. Tu viens on va dans ce restaurant qui fait des grosses salades pour toi et des énormes hamburgers dégueu pour moi ? Si tu veux.

Tu vois, il me dit, ce mec je l’ai ramassé comme toi au DV1, j’aime bien les gros il me dit aussi, tu sais, oui ça va j’ai compris. Je fais des efforts pourtant, je vais courir, je bouffe pas trop, ok, mais pour lui je suis un peu gros. Je n’arrive pas à savoir comment il me voit. Ça lui a foutu les boules ou quoi que je perde 3 kg rien que d’être avec lui ? Il me raconte sa soirée et j’en ai rien à foutre, hein, sans déconner.

« Tu la connais la Pierre-Yves, comme elle peut être pute, une salope de première… »

La Pierre-Yves, la Vincent… Merde j’espère qu’il ne parle pas de moi comme ça à ses copines, je veux dire à Pierre-Yves et Vincent.

« Alors la Pierre-Yves tu la connais, elle a jeté son jules devant tout le monde, lui il était vert, nous on s’est marré t’aurais vu la tronche, surtout que comme d’habitude ils ont fini la soirée ensemble. La Pierre-Yves elle avait eu le temps…

– …de sucer des queues ?

– Mais t’es d’un vulgaire ! Arrrête de dire ces trucs ! Quand même, oui, c’est vrai, elle en a sucé une ou deux.

– ...Et toi bien sûr tu es allé fourrer ta langue n’importe où !

– Ah si tu es grognon moi je pars, je te parle plus après »

Bon ok, faut le laisser jacasser quoi. Mon oiseau blanc me prend la main, il comprend peut-être qu’il vaut mieux ne pas trop insister sur ses propres exploits, sur le gros beauf’ qu’il a dû se ramener, et bon, son sourire me calme. La Vincent, un super bogosse au passage, super tantouze aussi, un peu intimidante, elle s’est mise torse nu dans la boîte pour exciter le mâle et inutile de dire qu’elle y arrive fort bien cette petite chienne. Les trois copains étaient ce soir-là totalement pétés, bourrés de cachetons parce que la farine eh ben ça coûte cher. La nite de fou avec des bandaisons des baisers des dragues et des sucettes sauvages. Lyon est un paradis pour les jeunes pédés de la région qui viennent pour trouver un boulot, pour étudier, bref, ciao papa maman et vive la vie, vive le cul, vive les garçons. Ils espacent les visites chez les parents, un peu comme tout le monde finalement, sauf que quand on a commencé à lâcher le morceau, pas facile de renouer avec les anciens réflexes, faire semblant, reprendre le fil d’un secret qui pourtant, en ville, est éventé. En attendant, l’oiseau blanc est à Lyon et il plane complet, il fait tourner sa langue comme d’autres leurs jupes, avec légèreté mais faut qu’ça r'mue, bébé, tant qu’ça peut… Et ce n'est pas qu'il ait le moindre talent ce bougre, ni pour baiser, ni pour danser, il a la jeunesse, le fessier bien moulé et les oreilles décollées, il a le muscle chaud, le ventre blême et le culot qu'il faut.

Il prend un dessert moi un café. Je voudrais être avec lui toute la journée mais il vaudrait mieux qu'il ne le sente pas trop. Bon faut que j'y aille, j'ai du boulot je dis.

jeudi 13 décembre 2007

V

Comment te dessiner si je ne t’ai pas rencontré ? Puisque un soir de Juillet plus doux que les autres, l’oiseau blanc s’est posé sur moi, je peux imaginer ton poids, j’ai une idée de ta force. Ta corpulence, entre mes bras, s’impose et dans les creux de toi je m’installe, de toutes mes épaules, de mes biceps gonflés à rompre, je veux te tenir, peau contre peau, contre moi.

L’oiseau ne se pose qu’un instant même en le plus douillet des nids. Alors maintenant est-ce que je puis t’imaginer ? Et, tiens, me lis-tu ?

Ballade dans la capitale des Gaules. Je vais rentrer me cuisiner un bœuf bourguignon ou des rognons de veau à la crème d’ail et au persil. A moins que je ne me fasse des pâtes à l’eau avec un filet d’huile d’olive, on verra. Mais ce n’est pas encore le moment de décider, car pour l’heure, je suis en arrêt devant un sublime rayon de soleil au beau milieu du pont de la Guillotière. Un peu groggy je me détourne de ce bonheur un instant aperçu, et je lutte contre mon désir d’en voir un peu plus. Je sais ce qu'est le bonheur et… je n’en veux plus. Je m’accoude tout de même au garde-fou de pierre comme pour mater la vue et hop un coup d’œil vers la jolie silhouette qui s’éloigne. Le sentiment de me réfugier une fraction de seconde entre son cuir cousu de fermetures éclair et son pull de fines mailles bleutées… et c’est là que je suis estomaqué par un autre profil. Malgré le froid, un jeune homme montre sa gorge blanche, elle bondit depuis le col en V de son chandail. Je sais bien ce que ça veut dire, j’ai la libido qui fait une violente rechute. Je te cherche dans tous les garçons bien faits que je croise. Je peux tomber amoureux d’un instant à l’autre, c’est dangereux.

Lorsqu’une jolie silhouette s’éloigne sur un pont sans m’avoir jeté le moindre regard, c’est un peu comme si tu me laissais. Tu m’abandonnes ainsi dix fois, vingt fois par jour et j’en ai chaque fois la gorge qui se sert.

lundi 10 décembre 2007

Danseuses

Le rendez-vous de ce matin ne s’est pas mal passé. La donzelle était rodée, moi j’en avais rien à faire de ce qu’elle me racontait, je lui donnais du hum, du hin hin, du mmmm et cela lui a suffit. Deux feuillets, il me fallait deux feuillets et bingo, à peine le temps de poser une ou deux questions, en 30 minutes l’entretien était torché. « Alors comment a débuté cette incroyable aventure ? » Reste la rédaction de l'article, je ferais ça une partie de l’après-midi. Il me reste du temps avant d’aller manger un bout et je flâne sur les quais du Rhône en pensant à mes danseuses, je veux dire, aux femmes que j’ai interrogées et qui, à une époque, me faisaient fantasmer. Bien sûr c’était avant de décider que je n’en mettrais jamais dans mon lit, beuark, quand j’y pense. Je me disais paf je tombe amoureux, elle aussi, et on arrête ces délires pédérastiques, ces obsessions de fesses de garçon, de ventre de garçon, d’épaules et de cuisses et de pectoraux et de bouche et de… Bref… Lorsque je dois interroger quelqu’un, j’espère toujours au moins une rencontre, une inspiration. Un pigiste qui vivote n’a pas les moyens de refuser le travail et, du coup, je me retrouve parfois nez à nez avec une fille qui doit me parler de trucs dont je n’ai rien à faire – de danse par exemple. Avec une chemise aussi légère qu’une nuisette, les petits seins pointant sous un brouillard de tissu froissé, des sourires, une bonne humeur, une fragilité devinée… une fille peut m’émouvoir. Un parfum de nudité. Un effluve de sa nuit, une idée de son corps ensommeillé. Longtemps j’ai espéré, sans y croire, tomber amoureux d’une de ses si précieuses impressions. Je me fais une introspection, de temps en temps, la révision des un an. Une fille peut m’émouvoir, m’intimider à cause de sa beauté, pas m’ébranler. Je traverse le pont de la Guillotière en direction de la presqu’île. Pour ce garçon qu’un rayon de soleil a caressé devant moi, en revanche, je me sens prêt à tout.

samedi 8 décembre 2007

Les ouvriers sont des cons

Les mots me manquent. Tous les matins, après l’insulte rassérénante du débile d’en dessous, en cliquant sur Rue89 ou sur Libé je subis l’humiliation de me voir représenté en Libye ou aux USA par notre PDG de la République. En même temps si je pense à tous ces prolos, à tous ces petits retraités qui ont voté pour lui, alors là je me marre. Ça me rappelle ce que me disait un copain du Lycée, qui savait très bien de quoi il parlait : « les ouvriers sont des cons » C’est tellement vrai ! Déjà qu’on les prend pour des serfs à l’usine ou à l’ANPE, en plus on réussit à leur faire croire qu’ils pourront s’enrichir dans l’avenir et, donc, arrêter de payer trop d’impôt. Pardon, je ricane. Leur pouvoir d’achat, divisé par deux à cause de l’augmentation de l’immobilier, on leur fait croire qu’ils pourront le rattraper en bossant quelques heures de plus et, aussi, grâce à un meilleur taux d’épargne. Un foutage de gueule de cette ampleur, franchement, je me dis que c’est trop gros les gens vont s’en apercevoir. Et non. Il y a des voix qui s’élèvent, des journalistes qui s’interrogent et il y en a même qui informent. Rien ne vient troubler le jeu de Sarko. Il nous dit qu’il veut améliorer le pouvoir d’achat, se garde bien d’ajouter que le meilleur moyen pour cela serait d’augmenter les salaires, ce qui aurait en plus l’avantage de limiter les déficits sociaux. En clair la sécu peut bien crever. Evidemment, je m’énerve dès que je tombe par hasard sur un article. J’ai compris que je suis journaliste et que je devrais lire la presse tous les jours mais enfin… Peut-on m’obliger à ne passer que des journées de merde ?

Alors même au boulot, mon sujet, ma préoccupation, c'est ouam.

vendredi 7 décembre 2007

Merde le lait

Je ne choisis pas l’heure de mon réveil, je suis comme tout le monde. Pourtant je n’ai pas trop d’horaire. Mais voilà j’ai un voisin qui décide pour moi. De bon matin, une bordée d’injures plus dégueulasses les unes que les autres, les femmes sont des PUTES et moi je ne suis qu’un gros PEDE qui NETTOIE SES GODEMICHETS devant sa TELE. Je ne sais pas ce qui lui fait dire ça, mais ça me met dans un état de panique, je me sens traqué. Il a mis des caméras chez moi ou quoi ? ATTENTION JE VAIS LE DIRE A TA MAMAN, je gueule et il flippe comme un marmot il se tait. Sous la couette, maintenant que je me suis énervé, je ne vais pas me rendormir. De toute façon il faut s’attendre à ce que ce gros connard de schizo de merde et j'en ai rien à battre qu'il soit malade il me bouffe la vie c'est tout ce que je sais, se remette à m’insulter d’ici pas tard, à moins qu’il ne décide de venir taper à ma porte pour protester contre ma sexualité débridée. C’est pas possible il doit aussi lire dans mes pensées, combien j’en ai rêvé hein, de parties fines ? Parce que je ne fais que les rêver avouons-le. Je me lève donc dans le pâté, la tête prête à sonner creux si je ne me décide pas à vite gober un ou deux Dolipranes, ça me fait penser à Guillaume Dustan, toujours, le Doliprane. J’ai froid j’enfile un pull, je remets le chauffage et je lave la vaisselle, de l’eau tiédasse sur mes doigts, des restes de lait brûlé s'enfuit sous le jet. La casserole sur le feu, le lait demi-écrémé UHT dans la casserole. France Culture en fond, j’attends que démarre l’ordinateur, clic, clicclic, clic, ouam.chotte@yahoo.fr, vous avez 3 nouveaux messages waou. Je pense à mon oiseau, le blanc. Bizarre ça sent le brûlé. Je me décide à demander de ses nouvelles dès aujourd’hui, je vais être inquiet sinon. Merde le lait.

jeudi 6 décembre 2007

Hypothèse plus crédible : je suis Dieu

Bref, n’hésitons plus. Je ne sais pas pourquoi je discute. Je suis Dieu, Son fils et le Saint-Esprit et ce livre est Le livre. Ouais, en faits c’est ça, Dieu, chaque jour je le vois, dans la petite glace mouchetée de traces de dentifrice callée au-dessus de l’évier. C’est un coin sombre de l’appartement, pas d’ampoule électrique, tant mieux, ça me permet de ne pas trop la détailler, sa gueule de con, à Dieu.

En tant que Dieu, faudra que je m’imagine plus jeune, plus beau et surtout avec des gars tout nus sur mon pieu. Des tas. Des qui ne demanderaient que ça en plus, oui, et pourquoi pas hein ? Moi aussi j'ai des envies, des trucs qui cheminent dans mon ventre tels des champignons des parasites qui me croquent le foie, tapent à l'alvéole, cherchent une sortie, la trouvent par la gorge, m’asphyxient, se saisissent de mon raisonnement, le contraignent. Et je ne parle pas de mon trou du cul qu'est fermé, clic clac, double tour, la clef dans un sourire ? Dans un puits profond, mon amour, ce sourire un puits profond, t'as pas cru que t'allais pouvoir enculer Dieu comme ça non ? En tant que Dieu je veux des garçons sur mon pieu les voir s’envoler j'écris ça.

Passons sur le faits que Dieu, paraît-il, selon certains experts, enfin moi ce que j’en dis… Bref, il vient à mes oreilles que Dieu n’est pas sensé écrire son livre. D’habitude il faut un intercesseur, un évangéliste, voire même un prophète. Un amoureux. Un écrivain ?

Je n’en peux plus de mes bondieuseries. Je ne sais pas pourquoi je suis parti sur l’idée de Dieu, alors que je n’en ai rien à battre. C’est juste parti d’une prière.

mercredi 5 décembre 2007

Hypothèse n°2 : Dieu est ma lettre d'amour

Parce que tu n’as, aujourd’hui, pas d’autre visage. Qu’une somme de pages noircies, parfois reliée par un boudin de spirales. Dos cartonné noir. Les romans, les poèmes que j’écris te sont tous adressés. Peu à peu ils te dessinent et ce dessin m’échappe tout autant qu’il m’inspire.

C’est un jour Derrida à la télé. Il évoque une voix interne qui n’est pas tout à fait celle qu’il donne à entendre et qui pourtant est la sienne. Lui dit éprouver la sensation d’une voix qui lui dicte ses livres. Je dirais que ce que j’écris est une recherche de corrélation entre cette voix intérieure, avec son rythme, ses accents et ses sonorités (sa chanson ?). L’impression que cet effort pourrait être comme un dialogue entre moi et moi et que la phrase – dès que je l’estime satisfaisante – règle pour un temps non le conflit – je n’en ressens aucun – mais plutôt la dichotomie, le flou. L’écriture est une recherche de cohérence, dit Judith Lesur, j’ajouterais : d’unité.

Toujours est-il que écrire me transforme. Ma lettre d’amour, peu à peu, me détermine. S’il est vrai que l’auteur enfante son oeuvre, l’évidence m’apparaît que le livre, également, porte en lui son auteur : non tout à fait comme une mère, alors, plutôt comme un Dieu ?

J’ai quand même envie de dire qu’au début il y a toi et moi. Moi et mon fantasme de toi. Oui, au commencement, il y a Moi.

mardi 4 décembre 2007

Hypothèse n°1 : Tu es Dieu

Je pourrais raconter que je t’ai déjà vu. Cette rencontre, je la ressasse depuis 15 ans, c’était au Lycée, je savais que j’étais pédé alors j’avais tendance à baisser les yeux. Je les ai levé vers toi. Point de suspension. Ce moment, quand je l’évoque, c’est un peu pour qu’il dure. Point de suspension. Tu étais entre deux larges piliers de pierre dans le déambulatoire de l’établissement. Nous n’avons pas fait l’amour. Mais j’ai pu être ton ombre et j’ai été heureux. Le bonheur est une malédiction, il fut un sort jeté sur ma vie pour que je n’en fasse rien. Te téléphoner. Te voir. Me détacher de toi. Ecrire ma lettre d’amour. Te téléphoner. Parler de toi. Dire du mal de toi, parce que je t’en veux de ne pas bander pour moi et qu’il faudra bien que je commence à regarder ailleurs. Te voir. Te sourire, je me souviens de ce plaisir subtil, te sourire. Ecrire, encore. Attendre ton coup de fil. Rêver de toi. Te défendre contre les médisances qu’à vrai dire j’ai peut-être moi-même provoquées. Te parler en secret. Seul dans le secret de ma chambre. Ecrire ma lettre d’amour. Attendre.

Ce Dieu ne décide pas de ma vie. Mon amour pour Lui, néanmoins, la détermine. Et si je ne peux promener ma langue sur Son gland, entre Ses lèvres, si je ne peux pénétrer en Lui et s’Il ne veut le faire en moi… Il vaut mieux que je perde la foi. Je ne dois pas attendre la révélation, voilà, parce que eh bien la vierge, pour dire vrai je ne l’ai jamais vue (aveu tardif, chers camarades lycéens, les matins où j’étais à l’heure, c’était le hasard) et son fils encore moins… quoique, j’hésite. J’ai cru le voir en toi, Dieu magnifique, illusion, fantasme, et tu n’es plus aujourd’hui qu’une lettre d’amour.

lundi 3 décembre 2007

Prière

Saurais-je Madame depuis ce cloaque teigneux qui me baigne les cuisses, espérer ? Puisse ma voix monter, puisse ma supplique enfin, inspirer les tendresses que vous devez à mon âme, à ma peau, à mon sexe et aussi, il faut bien le dire, à mon trou du cul ? Ave femme vierge, je ne te souillerais pas. Ave Maria donne-moi ton fils (ben ouais). Un peu de musique, une clarté surnaturelle et paf, Dieu m’apparaît, jeune (il n’a pas 33 ans) et nu (et carrément baisable).

Est-ce qu’il est permis de se lâcher cinq minutes à propos de la sainte famille ? Oui parce qu’on m’a souvent dit lorsque j’arrivais à l’heure au Lycée, t’as vu la vierge, alors disons que je l’ai vu quelque fois mais c’est le bon Dieu que je n’ai toujours pas eu le plaisir d’apercevoir. Le fiston. Le super bogosse et tout. Les bras de Nadal, la croupe de Phelps, le sourire de Kaka, mes jambes à moi, le pied. Jésus se cambre accoudée au bar plastifié de l’Etoile opéra, je mate le bas de son dos, l’élastique de son caleçon. Elle ne rêve que de moi, la Jésus, de passer un moment agréable avec moi. Je la lui mettrais avec volupté dans les vestiaires d’une piscine municipale, là même où je peux lire Je susse des bites 12 00 80 99 00 ich will deine schwanz lecken j’en ai des suées.

Je pense à Guillaume Dustan qui dit à Pages tu es un dieu, après il a la honte alors il ajoute, avec cette si touchante modestie, moi aussi je suis un dieu c’est pour ça qu’on est ensemble. Je crois surtout que ce lieu commun qui lui échappe, c’est l’amour. L’amour agit comme une révélation, comme une foi subite. En Dieu ?

dimanche 2 décembre 2007

...que le vent chassait

On dormait dans les bras l’un de l’autre, ou presque, dans les limites de mes possibilités : oui parce qu’il y avait des moments de la nuit où j’éprouvais le besoin de m’écarter, eh, quoi, je n’ai pas l’habitude qu’on tienne autant à moi. En faits, je ne dormais guère à côté de l’oiseau blanc, je le regardais dormir et je ressentais la douceur d’un bras qui me cherche et m’enserre. Pour entendre la sienne, il m’arrivait de retenir ma respiration. J’étais en suspension. Mon bel amour, mon bel amour.

L’oiseau s’est envolé. Je me sens vide, sans but, il n’y a rien, comme lorsque j’ai regardé la télé toute la nuit et qu’au moment de me coucher je ne me rappelle plus ce que j’ai vu. Sauf que là c’est toute la journée. Sauf que j’étais bien avec lui. J’aurais voulu le faire exploser en vol, qu’il jouisse comme jamais, je ne savais pas du tout comment m’y prendre mais voilà, c’est ce que je voulais. Qu’il trouve, grâce à mes jeux, avec ma langue, la volupté absolue, celle dont on ne veut plus se passer, celle qu’on voudrait éternelle. J’ai souvenir du poids d’un oiseau blanc sur ma poitrine, qui chassait cet air qui ne me remplit pas, qui circule au contraire entre ma tête et mon ventre en un grand courant insipide et tiède. Tomber. De toute ma hauteur, éprouver la dureté du sol, la chute, imiter ce poids sur moi. Expulser le vide.

samedi 1 décembre 2007

Textos

Bien rentrer ? moi suis completement crever. J espere te revoir tres vite. biz.

Hello. Je suis en pause encore 2h a tirer et j ai fini. Ca m fait plaise pour ton texto. biz.

Moi aussi j ai envie te faire des bisous. sui crever j ai mon ex ki a debarquer et ma emmerder. faudra que je te raconte j en peu plus. il a un probleme psychologique. Il me soul trop.

Rentrer a lyon ? suis presse d etre a demain

Hello. alors passer un bon week end ? bisous

Hello. tu veux passer chez moi ce soir ?

Ça va bien. vivement les vacances car je sture des gens au taff

J ai oublie te faire un bisous

Hello. tu va bien ? moi bien dans 2h c le week end. bisous.

Je sens que ce week end va etre tres tres long

Je t explique le tableau. sui assi autour d une table et attend que le temp passe. Les gens font la cuisine

Tu fais koi

C ki

Amuse toi bien moi j fait dodo. bisous. a demain

Hein ? c pas ma fete

Ha merci lol toi aussi bisous. ca va sinon ?

Tu va me tuer em m en vouloir mais suis pris juska dimanche. suis dsl. appel moi kan tu veux

Ben j ai pas l impression de ressentir la petite etincelle mai par contre j ai pas envi te perdre car tu es un mec super

Merci J peu comprendre que tu m en veux