jeudi 2 avril 2009

C'est Vendredi 3 avril

C'est ce thème, Pornographie, qui m'inspira Premier Jet et c'est à partir du texte que je vais lire vendredi à la MAPRA à Lyon que tout le reste du roman a été imaginé. L'artiste Coraline Picos exposera quelques œuvres originales et mes collègues (h)auteurs, croyez-le, n'amuseront pas la galerie. Venez donc boire un coup avec nous.

vendredi 2 janvier 2009

Expérience

Vous pouvez toujours aller lire Premier Jet en commençant par le début...

Sachez tout de même
que maintenant je fais le Zouam...

jeudi 24 juillet 2008

La porte

Je sais qui tu es. Telle une ombre prométhéenne tu glisses sous les portes et tu fais le don du feu au fou. Silhouette agitée par la présence des mouches, tu jouis du corps à corps avec moi, tu me blesses au front, une nuit de beuverie et… m’as-tu vu cul nu sur le muret pentu de la rue des Fantasques ? Je me suis maquillé ensuite avec mon sang, je me suis caressé, à travers le slip, je bandais durant notre bataille, tu voulais la volupté, je te l’avais promise. Je t’ai aperçu si souvent, du coin de l’œil, au détour d’une phrase, et te voilà ici devant moi. Sous moi.
Boumboumboum.
Noire, en effet, mon cruel sigisbée, tu l’es. Maintenant, je me dis, je suçote ton téton, tu te tais et tu siffles, dans ma gorge, les premières mesures de l’abandon. Sur mon lit, qui n’est qu’une idée blanche où je me vautre, mes mains te créent un corps mince et remuant, ton visage inventé se tord tandis que mes dents te façonnent le frein. Ah tu me suis ?
Boumboumboumboum.
Mais tu ne peux plus fuir. Tu es à Ouam. Je cartographie, je trace, je délimite ton territoire. Avec mes dents, avec mon couteau, je te coupe, je te déchire. Je t’ouvre comme un livre, une plaie, tu sens bon l’encre fraîche, mon sigisbée, ton sang est noir et tu le déverses sans plainte, ou alors elle m’est inaudible, elle sourd, ta souffrance est liquide et se déverse dans la chambre. Je te lis.
Boumboumboum.
Tu es à Ouam, infâme ? Non tu es en Ouam. Ouvre tes cuisses, cambre-toi, montre ton trou, que je me déleste enfin de ce qui pèse depuis si longtemps, dans mon bide, le long de ma colonne vertébrale, dans mes burnes et qu’il soit comblé, plein de moi ! Tu agonises, je brandis mon couteau, je ne dessine rien, je lacère, je défigure, je m’abreuve à tes dernières gouttes, je n’en peux plus de ces romans que tu te fais, de ces vies que tu inventes et qui sont là, aussi vraies que natures. D’accord, les humains ne sont rien sans leurs ombres furtives, leurs humeurs et leurs histoires. Je ne suis rien sans toi.
« Ouam je sais que tu es là »
Mon corps est lourd de tant d’absence. Noire Sigisbée, tu me suis ?
Boumboumboum.
On frappe à la porte.

mardi 22 juillet 2008

L'absence (3)


Un seul être vous manque, dit-on, mais cet être c'est je l'absence à soi-même. L'autre, les rencontres ne sont-elles que l'image protéiforme de soi, ne parle-t-on qu'à soi ? Dans ce désert, il y a ma solitude, et tous mes oasis. A cause de ce que je crois discerner d’un homme que j’aperçois pour la première fois, je pourrais lui dédier ma lettre d’amour, l’écrire pour lui. Mais bien sûr je cède ainsi à une illusion et cet autre fantasmé n’existe que par moi, à cause de mon désir. Je n’ai pas la prétention de connaître les gens dès le premier coup d’œil, même si j’en éprouve parfois la sensation, grâce à cette machine sentimentale, bien huilée je le jure, mon empathie.
« Ah la première gorgée, hein.
- Ah oui, c’est vrai ce que tu dis c’est complètement vrai. »
Pourquoi cherche-t-on si souvent à s’identifier, je dirais même à communier ? Pour ne plus être seul, on se cherche avec frénésie d’autres soi-même. On fait d’ailleurs des grand’ messes pour tomber tous d’accord, des bouquins, des émissions de télé. Je je je, une sorte d’ego universel, tentaculaire. Unique, comme la pensée du même nom. Regarde-moi, regardez-moi. Désirez-moi. Et cherchant à provoquer le désir du plus grand nombre, le média, qui est la somme, ou plutôt l’infecte bouillie de ceux qui l’animent, devient l’organe autorisé du grand consensus mou, de la fausse provocation, de l’ironie facile, bref, du lieu commun. Oui, le poste de télé est l’avatar domestique d’un énorme Phallus en quête d’un maximum de trous du cul.
« Moi je ne suis pas d’accord.
- Euh alors rendez-vous dans cette case-là, elle est prisée, celle-là, elle vous plaira.
- Laquelle, ah oui. Bon d’accord. »
Aussi indécente et abjecte que cette foire des désirs puisse paraître, nous sommes nombreux à chercher la convergence des regards, le désir d’autrui. Il ne faut pas s’en étonner. Le pire serait de s’en moquer. J’aime beaucoup l’infanterie, les pieds paquets, tout ça, mais l’humour à l’évidence repose sur un non-dit, une connivence et donc, assez souvent, justement sur la pensée unique, celle qu’on n’a pas besoin de formuler. Non, je ne crois pas que tout soit « dépeuplé » lorsque tu n’es pas là, puisque c’est moi qui me délite, me déchire, me découpe… Est-ce que je meurs, est-ce le monde qui s’efface ?
Mon désir créé l’autre, le sien me construit.

mercredi 16 juillet 2008

L'absence (2)

Jane et sa petite famille m’invitent à manger et c’est drôle ce qui se passe, je joue au foot avec les mômes dans le jardin, ils braillent au moment de se coucher, je pars une heure ou deux plus tard avec une petite euphorie, rasséréné. Tonton Ouam était un peu en famille. Je vais replonger pourtant, je le sais. Je réprime déjà un frisson lorsque se ferme derrière moi la porte de Jane. Je vais me noyer sous les flots du lac bleu. Je n’ai pas eu trop besoin de parler, j’ai laissé ma copine me raconter sa journée, les progrès de ses enfants et c’était très bien car si j’avais ouvert la bouche… En ce moment je sens que je suis infoutu de garder secrète cette infâmante liaison, ma compagne fidèle, de retour, la chienne, mon humiliation. J’en aurais pleuré. Mon désir semble se perdre dans l’espace, se disperser au point de s’assimiler au vide. Je me sens pourtant aimer l’autre. Un autre, les autres, peut-être. Mais le monde vit sans moi, je ne saurais dire s’il grouille, je soupçonne qu’il vit. Et moi je suis comme mort. J’ai quelque mal à communiquer, en ce moment. Je n’en éprouve aucun désir. Je m’absente au milieu des conversations, la parole se heurte à mon ennui. Répondre même par un simple signe de tête me demande un effort incommensurable. Je pense au corps d’un homme qui me serait un nid halitueux. A son regard qui me prêterait vie. Je plonge sur les pentes de la Croix Rousse, pantin membré, raidi par la honte, j’arpente et je débaroule en grimaçant. Je baisse les yeux, les lève parfois sur… toi ? C'est toi ? Eh ! Fais un effort, quoi. Regarde-moi, désire-moi. Et puis non, ce couillon aux clavicules nues, ce divin drôle à la peau luisante et brune (cannelle aurait peut-être écrit Edmund White, me laissant espérer un parfum de pomme cuite et de beurre fondu), passe son chemin, ne me regarde pas ou, mieux, détourne les yeux. Un seul être vous manque, dit-on...

lundi 7 juillet 2008

Guignol

Je m’acagnarde sur les terrasses des cafés. Avec des bouquins. Je lis des histoires de pédés parce que j’en ai besoin. Ça me réconforte, l’impression que mon désir existe en dehors de moi, qu’il existe enfin. Que, s’il me marginalise, il ne m’exclut en rien. Je souris alors aux femmes qui m’observent, aux garçons. Je suis un homme amoureux. J’aime. Je t’aime. Danseur. Ou qu’importe. J’aime, voilà. J’aime un absent. Dans ma main la bière est dure comme un bris de roche translucide. Minée de l’intérieur, elle s’insinue par la brèche, elle m’éparpille le gosier, m’encanaille, m’étripe. Je vois ce bel ouvrier, torse nu, barbouillé de gris et ses groles boursoufflées dont le sourire édenté se cogne au bitume, je convoite sa queue à la porte métallique déformée de ses jeans, sa tignasse a de la grâce, comme vieillie par le labeur du jour et ses yeux sont bleus. Il me voit comme à travers un brouillard d'eau fraîche, je m'en étonne et il s’éloigne. La tentation est forte, la caresse ou la griffure, sur son visage, j’imagine tellement l’onde d’un ricochet sur sa peau. Je dois renoncer à lui. Le soleil s’insinue tel un pic dans mon corps glacé, une autre, garçon. Ne plus penser au danseur. Ne plus prononcer, en moi, le nom du danseur. De toute façon, aujourd'hui, il ne peut que me prendre pour un guignol. Je ne suis qu’une marionnette en bois de frêne qui va finir dans le caniveau avec son pote Gnafron. Je ne devrais pas parler comme cela de moi, je vais finir par m’aimer un peu trop. Une autre, garçon. C’est dimanche et je n’ai pas pu voir son spectacle, par lâcheté. Les représentations sont terminées. Je ne le verrai plus. Je n’aurais rien su dire. Pardon. J’avais écrit un article, le plus beau depuis longtemps. Même, j’étais fier. Le genre de travail qui justifie qu’on fasse encore appel à moi. Ma déclaration d’amour. Puis le chef n’en a pas voulu. Manque de place. Il a préféré un gros machin sans intérêt, pondu par un de ces horrifiants journalistes, inodores, ni plus ni moins qu’un publireportage, sur un Théâtre du centre ville qui a cet avantage sur le Théâtre du Peuple d’avoir les moyens de prendre une pleine page de publicité.
« Et comment tu crois qu’on te les paye, tes piges, hein ?
- A ce propos, en plus tu ne vas pas me la payer celle-là ?
- Au niveau du journal, un papier non publié n'existe pas, tu sais bien.
- Mon article n’existe pas ?
- Mais tu as la priorité sur les prochains papiers c’est promis, tu le sais que je suis cool, je ne vais pas te laisser tomber »
J'aime seul, je n’existe pas.

vendredi 27 juin 2008

L'absence (1)

Un porno, un dial sur la toile, un bouquin. Rien ne me remplit comme le souvenir de mon danseur. La bière et les copains ne parviennent pas plus à vaincre mon sentiment de solitude, je suis pris de vertige, plusieurs fois. Je perds toute concentration, je comprends à peine ce qu’on me raconte. Accoudé au coin du bar, je crois que mon sourire est bien penaud et les copains font mines de ne pas s’inquiéter. Les conversations m’échappent, elles glissent sur ma raison, je pense au vide qui résonne en moi, qui brimballe comme une vase. Si je pouvais isoler cet espèce d’aller-retour incessant entre mon bide et ma tête, en ce vase-clos, une balance de Roberval. Elle hésite, sans fin. La pesée de mon néant. Tandis que mes organes remués, révoltés, écœurés, voudraient fuir par tous les trous.
« La peau.
- Hein ? »
La peau. Suffit-elle à contenir tant d’absence. Mon danseur. Lui dire au revoir fut un déchirement. J’ai depuis à nouveau ce sentiment non de manque, mais d’absence.
« Eho, t’es là ? »
Je crois à une sorte d’amarrage du désir. Il se projette, éclabousse le monde et puis, un jour, il se fixe, selon une mystérieuse et fort complexe combinaison de déterminismes.
« Il est amoureux ou quoi ?
- Ouam ? Il est saoul »
Je suis un bateau plein de bière, j’essaie de prendre le large. Cela me confronte à mon infinitude, à mon unicité éclatée, à ma solitude en expansion. Tiens, oui, en expansion, car je suis l’univers, je ne le découvre pas à l’instant.
« La peau. »
Ma peau n’est qu’un sac, je sens bien que mes organes cherchent une sortie, ils pressent, tels des blocs d’excréments prêts à jaillir, mes organes gonflent, bougent, se tordent, se débattent et j’ai grand’ peine à les contenir.
« Féria de Nîmes, la bodega Chez Jany bondée, je danse. Dalida, un truc dans le genre, plutôt drôle. Je remarque un garçon et soudain il danse à côté de moi. Il me tourne autour et bon je fais ma timide. Un mouvement de foule, le garçon en profite pour me toucher, en fait il me prend dans ses bras. Cela ne dure que quelques secondes. Quelques secondes de paix. »