Mal à l’épaule, ça me rappelle… J’ai pris un coup, un mec dans le bar, quand j’allais mettre les bouts. Il était comme en colère en allant… Chercher sa veste. En colère contre moi. Il a fait un petit détour et de sa belle carrure a voulu s’imposer. Il m’a intimidé, sur le champ j’ai désiré qu’il me serre dans ses bras blancs. Il m’a devancé dehors. Je ne suis pas sûr. Je suis dehors, je le cherche du regard et je ne vois rien. Je titube et le brouillard où je me perds n’est pas d’éther, il est de plomb. Oui un brouillard métallique, un rideau qui se ferme devant moi, tellement opaque que j’en éprouve de la difficulté à voir le bout de mes chaussures. Noires, je crois qu’elles sont noires, elles pataugent dans la fange flavescente de la rue.
« Eho »
C’est moi qui appelle. Ma voix s’étiole. Le cœur à tout rompre avec ce fol espoir.
« Eho »
Suis-je condamné à ce que jamais un bras solide, une épaule bien faite, un sourire d’ange, ne cherchent, en silence, à retenir ma chute ? Je me sens diminuer à force. Viendras-tu enfin. Je souffle en m’appuyant au mur. J’espère ta silhouette, tu es tout de noir vêtu, tu te démarques de l’ombre, tu la découpes. Tu es de l’ombre, je devine ta démarche souple, elle m’inspire confiance. C’est cette chimère que je cherche à suivre. Je ne vois rien ni personne dans la rue. Je me perds. Faut avancer. Remonter la Croix Rousse. Je me bats. Je rends les coups. C’est avant le Villemanzy je pense, un restaurant à fleur de colline, que je vois percer les lumières de la ville et puis toute cette masse de ténèbres qui la couvre. Je monte sur le muret avec des envies de crier des je t’aime sans savoir à qui les adresser. Je ne fais pas trop le couillon, la pente est rude à cet endroit, si je trébuche… Je sors mon sgeg tout penaud, je pisse le plus haut possible, j’observe le liquide prendre les couleurs de l’abîme où il plonge. Je fais quelques pas avec le futal sur les chevilles, parce que c'est rigolo. Puis je reprends mon chemin.