mercredi 30 avril 2008

Tu me suis

Ce petit double menton dès que je baisse la tête, ce torse curieusement massif, mes hanches larges et mes bras sans forme, je ne saurais draguer juste sur mon apparence. Alors je me pose quelque part et je me fais une grimace ténébreuse, en espérant que mon petit cul suffira à aimanter le gamin de vingt ans qui se dirait ouah un adulte. Aller je déconne. Mon air dangereux interdit à tout garçon de m’approcher et s’il le faut, j’ajoute le son, le petit mot qui va bien. Pourtant la vérité c’est que je ne fais pas exprès. Je suis très bête car je ne désire que cela, que tu m’abordes, tiens, au coin d’un comptoir ou d’une rue. Mais je me sens tellement indésirable, moche et, surtout, effrayé par ma propre vacuité, que je suis prêt à te le reprocher. Qu’est-ce que je peux te dire, euh tu es mignon toi, ou bien, t'as des histoires à me raconter. Deux exemples. Un gars, du genre à me sécher juste avec son sourire, au Lax ou au Medley, danse à côté de moi, je le mate comme un salaud. Deux ou trois fois, nos regards se croisent. Avant de partir il me bouscule, il s’est dirigé direct sur moi, bing, un coup d’épaule. J’aurais voulu lutter, menacer… si tu ne mets pas tout de suite ta langue dans ma bouche, prends ma main dans ta super belle figure. Je le regarde s'éloigner en passant sa veste noire. Le lendemain, ce garçon sublime, vêtu tout de noir, m’a peut-être suivit comme mon ombre, puisque je le retrouve à cent lieux d’une boîte gay, dans mon café fétiche. J’en ai le front levé, fier, le muscle chaud, la gorge sèche. Il s’en va, ma soirée se termine, comme une soirée. Au fond d’une allée croix roussienne, au bord d’un jardin, ma copine Jane déménage et je suis fringué en conséquence, très classe. Un jeune homme éblouissant me demande si j’habite ici. Euh non. Je ne comprends pas pourquoi il veut savoir ça et puis surtout il est beau. Il me voit interloqué, cherche à me rassurer, il voulait récupérer des vieux journaux, des Top affaires ou des Paru Vendu. Hum les seuls journaux honnêtes que je connaisse.

« Désolé, je ne sais pas du tout où en trouver. »

Je lui donne un sourire confiant, il m’en offre un qui m’écrabouille la cervelle. Et puis la journée continue, comme un déménagement, avec du sang (aïe mon pouce), de la bière et des rigolades. Deux exemples parmi tant d’autres où je sens la potentialité d’une situation, la rencontre au bord des lèvres, et pourtant je ne dis rien. Dans le premier cas je ne me crois pas assez séduisant, dans le deuxième pire encore, puisque j’en suis même à redouter un scandale. Pour finir, je sais que suis responsable de ma solitude. Comment te rencontrer si, chaque fois, je te fuis ?

mardi 29 avril 2008

15/20

12 heures. Je me suis fait une nuit de 12 heures. Longtemps que cela ne m’était pas arrivé. Au réveil, une sorte de quiétude. Je n’ai mal nulle part. Un café expresso bien classe, brûlant, moussu. J’ai envie d’écrire.

Et puis j’appelle le chef, je veux du boulot, n’importe quoi, même les chiens écrasés, je peux faire le tour des commissariats de quartier s’il le faut, d’ailleurs j’ai aussi un ou deux sujets à lui soumettre. Je tiens une forme de fou, il convient d’en profiter et ce matin je suis prêt à toutes les bonnes résolutions. Dorénavant, j’appellerais le journal tous les matins, même si je n’ai pas d’idée, au moins pour dire que je suis disponible. Ce serait délirant, si je pouvais soudain devenir un mec normal (sic). Je veux dire un journaliste (re-sic), rémunéré (re-re-sic), qui ne serait pas obligé de mendier quelque misérable sou, chaque mois, à sa mère. Ok je délire. N’empêche, la stratégie semble bonne car j’ai derechef un boulot pour demain. Deux coups de fil. J’enfile un short, celui que je viens d’acheter, il me moule gentiment les fesses. Et mes baskets, peut-être que je vais croiser Querelle et son pote F., affalés sur un banc du parc de la Tête d’Or, inondés de vodka, la dent dure, 15 sur 20 mon cul, pas moins, quand je cours.

dimanche 27 avril 2008

Train-train

Une danseuse arrive à la gare de la Part Dieu à 16h01, elle reprend un train à 16h42 et je dois l’intercepter. Je l’appelle sur son portable, numéro extorqué dans la matinée à son attachée de presse, bien sûr elle ne me répond pas, elle fait sa bêcheuse. Eh ben on n’a pas fini. Comme d’habitude je suis en retard, essoufflé, échevelé, ah non, pas échevelé. Sur le quai, ma cible est repérable à deux kilomètres, entourée de sa cours de ramasse-miettes emballés dans du clinquant, de la pacotille, de la fringue parisienne. Tu parles d’un boulot, va falloir passer les barrages, demander la permission d’approcher la diva à cette bande de piètre glaneur de gloire. J’ai le sourire engageant, la poignée de main franche et la jeune femme que j’accoste est conquise. C’est l’administratrice, elle fond, voire elle coule, c’est du miel. Elle ne serait pas contre un petit coup derrière le wagon de queue, la conne. Je la laisse espérer le temps d’être présenté, tout roule. Pendant que la danseuse commence à répondre à mes questions, pas de temps à perdre, nous cheminons vers le hall de la gare et la mielleuse, non sans avoir tenté un sourire, court devant nous au renseignement des trains au départ. J’ai du mal à écouter ce qu’on me raconte, je prends des notes ici ou là mais je ne comprends pas grand’ chose et je doute de pouvoir écrire un article cohérent. Je pense que le chef au journal m’en voudra à mort si je n’assure pas sur ce dépannage au pied levé et de penser ça, je ne peux plus me concentrer sur ma danseuse, je m’affole, je me force à écouter, je note un ou deux mots et je perds à nouveau le fil, je pense qu’il faut que j’écoute et ça m’empêche d’écouter. Je suis un vrai malade. Dans le métro, ensuite, relisant mes gribouillis, je suis un peu rassuré car j’aurais de quoi broder un feuillet et c’est tout ce qu’on me demande. Après tout, une entrevue à la sauvette, entre deux trains, Madame refusant de s’exprimer par téléphone… personne ne pouvait en espérer davantage. A 20 h, papier rendu, au journal ils sont plutôt contents, le chef parce que j’ai répondu à son attente, le journaliste que j’ai remplacé eh bien parce que je l’ai remplacé. Tout roule, dans ce train-train que je voudrais bien attraper, cette fois. Suffit d’être un peu efficace, comme aujourd’hui, et à l’heure.

mercredi 23 avril 2008

M Pokora

« Tu m’accompagnes voir M Pokora chez Virgin.

- C’est qui M Pokora »

Sympa de revoir l’oiseau blanc, il est en jogging pourri, veste Tati avachie sur ses épaules et il ne s’est pas rasé. Mon ignorance crasse réussit à sublimer son sourire juvénile, il est ravissant ce couillon et il m’explique :

"Un chanteur.

- Super ton nouveau style mon chou, la Pokora elle va adorer.

- Oh mais j’ai pas eu l’temps ce matiiiin »

Je l’accompagne un moment dans la queue avant de trouver une excuse pour me barrer. C’est pouffeland ici, des nanas, des tafioles et moi au milieu, pédé aussi mais j’ai oublié mon sac main. Je remarque que même déguisé en pauvrette, c’est mon oiseau blanc le plus joli. Il croit tellement que je suis amoureux de lui, il se sent en confiance.

« Tu sais quoi, avec la Vincent, on a pris nos places pour la Kylie.

- La quoi ?

- Ben Kylie enfin. On n’a pas pu en acheter pour Paris alors on s’est rabattus sur Genève.

- Ah ?

- C’est plus loin mais…

- …Ah non, je ne dirais pas ça, c’est même plus près.

- Et tu sais quoi, le concert il est en juin 2009. »

Je lui dis que j’ai un coup de fil urgent à passer, je quitte la file, ouf. Je fouille un peu ma liste de contacts, histoire d’appeler vraiment quelqu’un et je tombe en arrêt sur celui de mon chef au journal.

« Imagiiiiine il était en face de moi »

Il me rejoint au café, je lui paye un Orangina avec une paille.

« Tu sais ce que je lui ai dit avant de partir ?

- Nan ?

- Je lui ai dit…

- T’es nul comme chanteur tu lui as dit.

- Pfff t’es bête il est super beaaaau et puis d’abord il chante bien.

- Alors qu’est-ce que tu lui as dit ? »

En me l’avouant, sa peau blanche, sous ses oreilles, se marbre de rose et d’ailleurs il était cramoisi, paraît-il, quand il a prononcé devant, j'imagiiine, le bellâtre blasé :

« Je t’aime »

mardi 22 avril 2008

Paracétamol

Je suis surpris quand même, je ne me rappelle aucun coup. Pourquoi, dès que j’ai bu, je ne ressens plus rien. Les écorchures, les plaies, les coups. Je me mate, m’examine, je suis couvert de bleus. Un, deux, trois, quatre bleus. Les jambes, les côtes et un sur le bras. Mon visage, eh bien mon visage est indemne, si j’en crois le reflet que je reçois, au-dessus de l’évier. Façon de parler bien sûr, puisque mon cuir ex-chevelu garde le stigmate de ma dernière incursion chez les pédés. Un beau pansement tout blanc. Je me sers un verre d’eau, j’avale deux Dolipranes en pensant à Guillaume Dustan. Il s'en nourrissait et je comprends pourquoi. Fait soleil aujourd’hui. Je ne crois pas que je pourrais en profiter. Je ne pense plus à mes cachets effervescents de citrate de bétaïne, et puis si, mais alors il faut que je me relève et je me relève. Mes pieds sur le carrelage. Obnubilé par le mouvement du pendule, en moi, le silence et la fraîcheur, sous la couette, m’engourdissent, ah si je pouvais dormir maintenant. Je vire alcoolo, je picole presque tous les soirs. Hier c’était la cuite de trop, la preuve. Deux fois en l’espace de deux semaines, je me mets le compte à tel point que je reviens chez moi avec des bleus ou une plaie sur le crâne. Un gros trou de mémoire en prime, mais cela, je commence à en avoir un peu l’habitude. Je vais pisser, je traverse le jour éclatant de la pièce principale, en trombe, content, car lâcher du leste devrait me décongestionner les tripes. Mes entrailles, je les imagine ainsi, prêtes à éclater à cause de mes excès, des tissus rosés, bombés, des fils tendus et des organes compressés, suffoquant, surchargés de travail. Et tout ça baignant dans un liquide dégueulasse que je situerais entre le pue, le sang et, peut-être, la bière à moitié digérée. Je souffle, dans le lit. Je cherche une position. Je dois imaginer un truc agréable. Autohypnose. Il me vient des phrases, un récit se forme. Je pense que le paracétamol fait son œuvre parce que je me sens calme. Ça me plait bien ces histoires de tripailles ensanglantées, je trouve que c’est un bon résumé. Je me planterai peut-être un jour une lame dans le bide, pas pour le suicide, non : pour me décongestionner. Je souris à cette idée. Je trouve une position. Je perds connaissance.

dimanche 20 avril 2008

Tambours

J’aime m’éveiller avec les restes d’un joli rêve et mieux encore d’une belle bandaison. J’ai rêvé de toi cette nuit. Quand je bois le soir pourtant c’est le genre de douceur qui me fuit. Ta présence à mes côtés s’effiloche, maintenant, mais tant pis. C’était bon. Coup de chance, ton regard et ta main se sont posés un instant sur ma peau. Je veux me réfugier dans le cocon du souvenir. Je bouge les jambes sous la couette, à la quête d’un peu de fraîcheur, ce n’est pas ce qui manque en ce moment, il fait 14 dans ma chambre, pas plus. Les membres endoloris par ma cuite, comme si j’avais dansé all the nite, les yeux irrémédiablement ouverts, j’ai la certitude que je ferais mieux d’essayer de me rendormir avant… Est-ce que j’ai tellement bu ? L’heure, 10 h, pas moyen de se discipliner, j’ai mal partout, si je ne sombre pas vite, ça va cogner. Mission doliprane, citrate de bétaïne, verre d’eau en perspective, mais, à la seconde, là, non, pas envie de me lever. J’essaie en vain de dormir. Je fais semblant, des fois ça marche. Je trouve une position. Puis une autre. Puis une autre. Encore. Et les tambours mutiques me tombent du dedans, ça y est, ils sont là, lents, ils battent leur stupide tempo, lent. Je m’entête, la face froide d’un oreiller sur ma nuque m’offre un répit trop court. Je change de position. Encore. Je ne ferme pas les yeux. Je décide d’aller en mission. Je me prépare à la station debout. Je ressens les courbatures, elles me lancent vraiment. Une soudaine appréhension : je soulève la couette et… Non. Pas de sang. La sensation de ta présence, une seconde, un lambeau de ce beau rêve, me rassérène, m’inspire le courage de me lever. Ça ira. Je me traîne et je n’ai pas l’impression que mon crâne avance à la même vitesse que mes pieds. Doliprane, ou es-tu ? Eho ! J’ouvre tous les placards avant de trouver la plaquette de pilules sur la table encombrée de la cuisine. Ça tambourine, ça tape. J’attends que se dissolve la citrate et c’est là, en baissant la tête, car elle est lourde, que je remarque mon premier bleu.

vendredi 18 avril 2008

Bitte schön

La bise rafraîchit tout ça, les tendresses et les brefs au revoirs s'étiolent. Les rescapés sont tentés d’entrer dans l’antre chaleureux du café d’où ne s’échappe plus de ces paquets de brouillard qui portaient les rumeurs et les airs de jazz, auparavant, en bouffées longues et lourdes. Un bel allemand en veste de jean’s blanc stationnant alors devant la porte s’écarte et, tenant d’une main son clope, tire à lui la poignée pour nous laisser passer.

« Danke sehr » Tenté-je vainement.

Depuis quinze ans, peut-être davantage, je me dis qu’il faudrait que j’habite Berlin quelques temps, l’allemand est une langue dont le rythme et la musique ont cet étrange pouvoir de me combler. Alors un beau garçon qui m’apprendrait sa langue…

Le coin du comptoir n’attendait que ses colons habituels et nous y laissons chacun un coude. Ça commence foot, sujet facile, rassembleur, sans enjeu. Ah ouais, Benzema, ah ouais. Le Peuple de l’Herbe, son dernier album ? Sur scène ils déchirent en tous cas. J’ai téléchargé les Ch’tis tu parles d’un navet. T’as vu quoi au Sonic ? Oh non, tu pousses, il y a un ou deux bons gags. C’était pas mal les deux ans du Sonic, Sun Plexus, Cheer Accident, Deborah Kant. Bon je vais y aller parce que demain sinon. Tu payes ton coup ? Aller celle du patron. On va la gagner tu crois, cette coupe ? La fête des yeux, ça s’appelle, une fille comme elle. Tu les décroches quand ces croûtes ? Ah merde elle était derrière moi quand j’ai dit ça ? Combien je te dois. Oh oh la touche que t’as j’avais pas vu les pompes roses. Elles sont pas roses d’abord elles sont mauves. Aller ciao les gars keep the pressure. Elles sont mauves t’es pas d’accord. Ciao mecton.

Bourré comme je suis, je me demande si je dois me rendre dans une boîte homo pour me rassasier le regard, pour croire un instant que je pourrais serrer un beau garçon dans mes bras, pour ma foi en mon désir. Puis non. Je vais rentrer chez moi car je ne veux pas me donner l’air de mendier un sourire ou une caresse. Dodo.

jeudi 17 avril 2008

Tonton Ouam

Jane a deux jolis mômes. Bruyants, bavards, endurants, ils jouent sur le trottoir, entre la pharmacie et la rangée de voiture. Nous, les adultes, jetons un coup d’œil sur leurs ébats et filons tranquillement, posés comme des fèces à la terrasse de notre café favori, vers l’ivresse.

« Non p’tit gars tu n’entraînes pas ton frère sur la rue, on te l’a déjà dit hein, les voitures c’est la limite »

Outre la petite famille de Jane, nous sommes quelques-uns à divaguer au grès d’un petit vent qui, bientôt, finira par nous séparer.

« Ah, et puis il y a des merdes de chien, là, les enfants »

Je goûte ces moments où nous n’avons pas toujours grand’chose à nous dire, juste nous sommes ensemble et cela nous suffit. C’est une croyance, une foi, nous sommes ensemble et cela nous suffit. Je sais déjà que Jane va s'enfuir avec la nuit, me baisera les deux joues, ses deux magnifiques petits bouts de futurs névrosés, tout sourire, me sauteront au cou et leur papa, dépliant à regret sa carcasse, me lancera un bienveillant salut tonton Ouam. Deux ou trois poilus célibataires, l’œil aux aguets mais cette fois de la moindre jeune femme esseulée, prête à s’ouvrir, accompagnerons ma fin de soirée.

dimanche 13 avril 2008

Vivez

Je suis seul. Je vis dans un monde où je ne rencontre personne, désincarné, vide. Mon regard ne porte pas, mes mots je les écris ici aussi parce que je ne puis les prononcer. Les susurrer à ton oreille. Quand je fais l’amour… Oui quand je faisais l’amour à l’oiseau blanc et ensuite à Jmlépoil, il me venait des phrases. Imagine, un mec qui parle pendant qu’il te retourne, ou lorsqu’il goûte à ce sel qui sourd de tes pores grands ouverts et s’en délecte. Des déclarations d’amour, des lettres d’amour alors ? Et même des blagues. Faut que je te fasse l’amour pour savoir, ta peau, ton poids, ta gorge, ta voix pour mon poème. Est-ce que je sais qui je suis ? Je crois que je suis tu pour toi. Mes amis mes amis j’ai froid. Le monde est vide. Le monde est vide si je ne puis sentir en ce tu la consubstantielle vibration, celle qui m’arrache des larmes, là, maintenant, dans la plainte céleste de Rolando Villazon, celle qui me ferait danser, danser, qui me serait un nectar subtil et grisant, un étonnement quotidien et jamais une habitude. Aller, je ne suis pas assez stupide pour croire au grand amour, pas deux fois, hein. Je sanglote, pourtant. Cela n’a aucun sens. Ce n’est qu’un retour de cuite, je suis tout triste et je pleure, ah que ne suis-je la joie d’un autre ! Alors j’écris, je veux dire que j’ai du boulot, un peu. Je ne vais pas courir au parc de la tête d’or, pas encore, cela ne saurait tarder. Un soir j’ai fini tard avec Jane et les copains, je suis rentré en chantant des chansons qui n’existaient pas, avec des histoires d’oiseau blanc qui se posaient sur moi. Mes amis mes amis, vivez, aimez, au moins puis-je ainsi m’émerveiller, quelques fois, de notre pauvre absurdité.

samedi 5 avril 2008

Sales Draps

Faudrait trouver un peu de boulot, les sujets ne tombent pas tout cuits. Un pigiste doit se creuser un peu pour proposer des papiers intéressants, s’il veut gagner sa croûte quoi. Je ne lis même pas les journaux qu’est-ce que j’en ai à foutre. Mon linge traîne par terre, avec les draps maculés de sang que je n’ai pas changés : je les ai retirés, si bien que j’ai dormi à même le matelas ces deux ou trois dernières nuits. Mon bureau ploierait presque sous le bordel de papiers, de vaisselle, de crèmes dermatologiques, et puis d’autres trucs aussi, que je laisse reposer. On verra bien si un jour ce tas d’objets disparates, ce fumier urbain, produit un peu d’énergie, un terreau pour mon poème. Les rideaux de ma chambre sont jaunâtres, pas de quoi se vanter je crois que c’était d’origine, mais tout de même ça complète le tableau. Je vis dans cette boue qui est la représentation de ce qui traîne dans ma caboche. Désagréable, j’ai l’impression que ça danse en moi, j’ai peur d’en avoir le buste mobile, comme un psychotique de base et ma blessure à la tête, quelques jours après l’épisode un peu nul du LAX, me lance encore. Je sais très bien que je dois réagir, je me le répète, je dois réagir, je dois réagir, ranger, laver par terre, aller courir. Décréter une semaine sans alcool, bouffer des journaux, ne plus zapper, dans ma boîte mél, les infos boulots. Contacter le chef avec une idée en or, un gros papier qui pourrait m’occuper une semaine ce serait cool, enfin cool, salutaire au moins. Ne pas réfléchir. Enfiler un short, des baskets, tant pis si j’ai l’air d’un clochard au parc de la Tête d’or, impulsion, je vais courir et en rentrant, j’achète un journal, puis douche, puis ménage, pas compliquée la vie oh.

mercredi 2 avril 2008

Pansement

Le lendemain je me réveille tard, dans l’après-midi. Je n’ai pas trop mal à la tête, enfin ça bourdonne mais bon. J’aspire de grandes goulées d’air froid, mes côtes sont douloureuses, mon corps entier est douloureux sous la couette. Mission accomplie, je suis rentré chez moi. Qu’est-ce que j’ai à faire aujourd’hui ? Je ne sais plus. Il fait trop frisquet dans ma chambre, pas envie de mettre pied à terre.

« Ouam, me demandait hier un enfant blond, pourquoi es-tu toujours triste ? »

Je passe juste la main pour allumer la radio et oh mes doigts sont maculés de sang, qu’est-ce que j’ai encore fait. Du sang, pas beaucoup, mais tiède. Je m’examine. Les poings à peine écorchés, comme après une bonne cuite, quand tu ne sais plus marcher droit et que tu te rattrapes aux murs. Le coude râpé s’encroûte déjà, je dois avoir une plaie un peu plus ouverte quelque part. Les draps doivent être tachés et le matelas, non, je ne peux pas me permettre de le pourrir il est neuf. Donc il faut que je bouge. Je suis allongé sur le dos, j’accélère ma respiration en prévision de l’agression du froid et d’un geste brusque, auguste, je me découvre, presque nu, frissonnant, effaré.

« Ouam pourquoi es-tu toujours triste ? »

Mon boxer short blanc diminue de volume à vue d’œil, mais surtout il n’est plus très blanc. Les traces de sang convergent. Les cuisses, l’intérieur des cuisses, le ventre sont maculés. Comme si je m’étais acharné, alors je m’affole en me touchant partout pour trouver ma blessure, je me tâte, mate mon sexe et mes bourses et ne repère pas de plaie visible, rien. Je me lève d’un bond et me précipite sous la douche, en n’omettant pas, au passage, de remettre les radiateurs électriques en fonction. L’eau chaude me rassérène. A la réflexion, je crois que tout ce sang cruenté dont je me débarrasse, j’ai dû me l’étaler pendant la nuit, peut-être que je me suis caressé en dormant ? Je me regarde dans le reflet du miroir et c’est là que je m’aperçois de l’entaille sanguinolente sur mon crâne. Je me suis sans doute cassé la gueule quelque part entre le LAX et l’appartement.

« Ouam, pourquoi es-tu toujours triste ? »

Un peu d'alcool, un pansement pour ma tête.