dimanche 30 décembre 2007

Rencontre d'un troisième type

J’ai deux ou trois coups de fil, des rendez-vous à prendre, ma routine, mais ce matin je n’en ferais rien. Trop difficile. Je ne ramasse pas le lait enfui de la casserole, il brûlera demain sur la surface blanchâtre de la cuisinière - que j’aurais alors le plus grand mal à restaurer. Je renverse une goutte de café au lait sur mon plancher, je dois me rappeler de ne pas marcher dessus. Clavier sur mes cuisses rondes, pieds nus sur le bureau, je voudrais bander un bon coup, ça me soulagerait peut-être de cette envie de rien. Je ne veux rien bouffer, je ne veux pas jouir, je veux bander. Je me promène dans mes fichiers, en faits les images de mecs à poil m’emmerdent, elles ne sont que des ombres, il me faut quelqu’un, une rencontre, un vrai être humain. Est-ce que j’ai un message sur le site de rencontre gay et lesbien ? Pas de message, tant pis, je vais rêver un peu sur les bouilles et les torses qui s’exhibent sur le dial. Un ou deux bogosses, bon, quand on voit ce qu’on voit, je vais me couler un café. Je me traîne jusqu’à la machine et cela me donne l’occasion de regarder un peu plus longtemps par la fenêtre, il fait gris et le voisin d’en face balade son gras, son caleçon long fatigué, ses lunettes marronnasses dans son décors des seventies, pas vraiment fashion, hein, non, pas rénové depuis. Ce bonhomme sent le moisi d’ici, il est la raison qui m’empêche d’ouvrir les rideaux de ma chambre et d’ailleurs je vérifie maintenant qu’ils sont bien soudés. Ah, tiens, un bref slt d’un gars qui semble avoir une belle tête. Je regarde son profil, 30 ans, 1m75, 65kg, brun, yeux verts, tatouage ah ouais ? Tatoué le mec. Célibataire, encore heureux. Slt. Il habite dans un bled pas loin et il est banquier. Son pseudo est bizarre : jmlépoil. Il est marrant ton pseudo j'écris, et lui me répond derechef :

Je lit dans ton profil que tu ai poilu

Ouais ouais

J’adore les poile

Je m’en doutais

Commen ta su

Ben ton pseudo

Oki

Lol

Ten a beaucoup des poile

Euh ouais

partout ?

Partout

j‘adore

moi moyen je t’avoue

encore un qui s’aime pa

bvoui

hin ?

oui, lol, encore un

encore un koi ?

Laisse tomber

Tes poile sa me fai bander

Tu bandes ?

J’ai envie te bouffé les poiles desous les bras je veu te lécher partout et bouffé tes poiles de ton trou du cul et tu véra je sui ta chienne tu pourra m’enculer comme ta pute et sache ke je sui la suseuse la plus salope ke té rencontré

Hem comme j’avais du boulot, je me suis cassé du dial, le gars je ne l’ai pas jeté, un ciao poli, excuses mignonne, j’ai du taffe. Mais quand même, jobard ou pas, le fait de savoir qu’il y avait un garçon, plutôt bien foutu, derrière cette logorrhée qui me disait j’ai envie de toi, j’en étais ému. Rien que de m’imaginer franchir le pas, lui donner rendez-vous, aller chez lui, le cartonner comme il demande, ça me va pour aujourd'hui. Un désir un peu sale mais dont je sais pouvoir me débarrasser facile. D’un jet de plume…

samedi 29 décembre 2007

Viol

Jane, tu le sais maintenant, mon Dorian était mon meilleur ami et il était en Droit. Il brillait, je le jure, mais en moi. De l’imaginer et de l’imaginer loin de moi, ou en affaire avec un autre, physiquement je me déréglais, je ne trouvais plus de rythme, de respiration, c’était comme si mes poumons, le droit, le gauche, refusaient l’oxygène et sous prétexte d’en manquer, ils se mettaient en panne. J’en avais le cœur sans tempo, plusieurs fois je me suis vu mourir, en pleine nuit, ça me réveillait, je pensais à lui, à mon Dorian et je croyais qu’il n’était qu’un destin pour de telles amours, maudites, immenses, la mort. Cependant je vivais. J’aimais, je désirais et le sujet de ce désir me téléphonait chaque jour, me sollicitait. Je me suis cru heureux, je l’ai déjà écrit, je me noyais dans l’ombre de Dorian, je me satisfaisais de cette flaque d’ombre passant sur moi, je m’y blottissais, je m’y complaisais. Jane, le souvenir de ce gros garçon qui ne respirait plus m’est aujourd’hui la sensation d’un viol, Jane, j’emploie ce mot. Un long viol silencieux, une main sur mon désir et pas sur moi. Je voulais des murs blancs autour de moi, je mettais des vêtements pastel, larges, et je mangeais des gros plats de pâtes avec du fromage, du beurre et de la crème. Je m’engageais en politique, avec passion mais sans force. Le comble de tout, je n’arrivais pas à écrire. Je ne lisais rien, ne supportais pas la musique, méprisais le théâtre et pestais contre le prix des places de cinéma. Je me moquais bien de pratiquer un sport et d’ailleurs, outre les fatigues inutiles, j’évitais aussi les autres. Moi qui fut un être affectueux et tactile, Dorian m’a appris à ne plus toucher les gens. Ils se sentent – il se sentait – agressés. Mais à cause de cette convenance absurde et destructrice j’ai pu passer trois lustres sans toucher un autre humain et, pire encore, sans que personne ne me touche. Cela me rendait fou. J’ai accepté longtemps ce compromis parce qu’il me permettait de rester près de mon Dorian. Mais cela me rendait fou. Jane, ma chérie, ma jolie, toi qui sais certaines choses… Comprends-tu que l’on puisse avoir été violé justement de ne pas avoir été touché ? Ne jamais tenir un corps contre soi, peau contre peau, n’en avoir même pas le souvenir, est-ce que ce n’est pas d’une violence inouïe ? C’était la négation de mes désirs, la négation de ma volonté, l’annulation de ma personne. J’aurais pu devenir fou à m’en scarifier le visage, à en hurler la nuit à m’en péter les veines, à en défoncer les murs avec ma tête ou, mieux, à prendre mon Dorian comme un enfant secoué de sanglots dans mes bras. La chair. Existe-t-on sans la chair, sans le témoignage de la chair ?

vendredi 28 décembre 2007

Le détail

Avec Jane, il nous arrive de parler même du passé, alors que c’est juste la chose la moins intéressante du monde. Dans ce restaurant un peu gone’s roots, tripailles et fois de volaille, saucisson chaud, quenelles au brochet… des mets à te plomber pour la journée… c’est notre plaisir de papoter, de fluidifier l’instant avec des propos de temps qu’il fait, de celui qui passe. Nous abordons l’inutile avec le sentiment d’être dans l’essentiel et, tiens, elle me dit tu te rappelles nos jeunes années. Rien ne peut me gonfler davantage que les réunions d’anciens élèves – et puis d’abord je n’ai pas du tout l’intention d’être un vieux et là-dessus je saurais rester intransigeant, et je ne dis pas ça juste parce que j’ai bientôt 33 ans (ou non, plutôt 34 ?) et que je me réveille un peu tard mais chez les pédés, si j’ai bien tout compris, au-delà de tes 35 ans c’est plus la peine. Toujours est-il que c’est chiant le passé, lorsqu’on l’évoque j’ai toujours l’impression que c’est pour te barrer l’avenir. Pourtant il y a bien deux ou trois souvenirs excitants… j’ai aimé traîner avec cette espèce de fille dans les rues de Lyon, je sais que j’ai rit à perdre gorge – voire à rendre – si souvent à cause de ses airs de bourgeoise et ses manières de punkette à clebs en jupette et bas mauves, alors j’aurais mauvaise grâce à me lamenter. D’ailleurs la jouissance du souvenir je ne peux la nier. Avec ma copine Jane nous échangeons, au moment de la tarte aux pralines, des sourires affectueux. L'estomac bien calé, on peut dire que ça ne rend pas belliqueux et je me laisse avoir à ce truc écoeurant de l'évocation nostalgique. Comment nous avions tous décidé de s’inscrire en fac de Droit non pour devenir avocat, juge des enfants ou je ne sais encore quelle couillonnade, plutôt parce qu’on avait entendu le message de Coluche : 5 ans de Droit le reste de travers. Comment nous avions hérité d’un local sous l’amphi ou nous mangions, chantions, rigolions, discutions mais pas tant que ça de syndicalisme étudiant et de politique. Ouais, sûr que c’était le temps de l’amitié. Seulement il y avait un hic. Un détail, comme dirait l’autre, je vivais une histoire, secrète, qui m’est aujourd’hui une souffrance et qui se jouait au quotidien pendant cette grande époque des copains. Un drame que je ne ressentais pas comme tel, peut-être parce qu’il ressemblait tellement au bonheur ?

J’aimais.

jeudi 20 décembre 2007

Jane

Un trou de mémoire. La nuit est un trou de mémoire. Je me réveille avec une tronche, j’ai l’impression qu’elle rapetisse. Au-dessus de la couette il fait un froid pas admissible, et je suis sûr que mes grille-pains sont à fond depuis hier. Je me chauffe avec des radiateurs aussi petits que des machins pour les toasts. Chers en électricité. Et qui assèchent l’atmosphère, ce qui n’est pas du luxe dans cet appartement qui sent assez vite la pourriture, mais pour l'instant ça n’améliore pas mon état de déshydratation avancée… merde, est-ce que je n’avais pas un rendez-vous à 10 ou 11 heures, je ne m’en rappelle pas. Quelle heure… ? Putain midi, je m’en fous de mes rendez-vous, je les ai loupé de toutes façons. Mission Advil, Citrate, verre d’eau, vite, les pieds nus sur le carrelage, et couette.

Le téléphone. C’est le téléphone qui m’a réveillé. Qui donc a pu me faire ça ? Je n’ai pas trop la force de vérifier mon intuition. Tout mon corps réclame du repos, mes tempes battent, mon coeur s’emballe et je préfère me réfugier le nez dans l’oreiller. Si c’est Jane qui appelait tout à l’heure, cent balles qu’elle remet ça dans la demi-heure, je devrais le débrancher ce fichu téléphone.

Bon, c’était Jane. On devait manger ensemble à midi et elle est d’accord pour repousser. Enfin j’ai juste une heure pour me laver, m’habiller. Me remettre. Rendez-vous sur le plateau de la Croix-Rousse à 13h10 :

« Après ils ne servent plus t’as intérêt de ne pas me faire poireauter ! »

Elle fait sonner mon portable à 13 h, puis à 13 h 05 et s’apprête à le faire une fois encore quand à et 10 pétante je débarque dans le resto. J’ai une mine à faire peur, ce qui lui arrache un sourire sardonique. Au contraire elle est pimpante au comptoir, son clope empanaché de bleu au bout des doigts, assise, que dis-je, juchée sur un haut tabouret, croisant les jambes et montrant fièrement…

« Des nouvelles bottes de cow-boy » lui dis-je en guise de bonjour et, en effet, la jeune femme n’est pas peu fière de ses nouvelles chaussures qui lui couvrent les mollets, jusqu’aux genoux, d’une fine croûte de cuir. Ses lèvres à la pulpe à peine craquelée, ses yeux en olive éclatant de malice au beau milieu de sa belle bouille ronde et blanche et les ridelles précieuses de son petit nez disent assez bien sa joie de l’instant. Elle attend le compliment et le déguste par avance.

« Joli vert, élégant, pas tape à l’œil, bravo ma chérie, belle trouvaille.

– Devine combien ? »

Je comprends son acharnement à me voir maintenant tout de suite bon d’accord dans une heure mais pas plus tard aller dépêche. Fallait que je lui dise que j’aime ses longues bottes vertes, à talons. Et que je la félicite pour son sens des affaires.

Ah, les femmes.

mercredi 19 décembre 2007

Rainbow Flag (2)

Une bousculade, dans l’entrée, les gens qui s’entassent devant le vestiaire ont l’humour un peu convenu, une joie de vivre de bon ton, des cons. Je me tiens à carreau, j’attends. La fille a l’air de s’affairer au milieu des manteaux et des parkas, pas un sourire et ses seuls mots sont « vestiaire obligatoire c’est deux euros », qu’elle répète autant de fois qu’elle peut. C’est une jeune, brunette, joufflue, de premier abord on ne dirait pas qu’elle est antipathique. Et puis c’est vrai qu’on a le droit de ne pas être joyeux tout le temps. C’est comme les caissières des supermarchés ou les ouvriers du BTP, je respecte la mauvaise humeur des employés auxquels on confie les tâches de merde. Je donne un sourire, enfin on fait ce qu’on peut. Quand je lui découvre ma dentition, à la mégère du vestiaire, je dois avoir l’air penaud du mec gentil mais qui n’est pas dans son meilleur soir, eh oui, les clients aussi ont des journées de merde. Je me fais l’effet d’être un de ces pédés qui puent la solitude et qui hantent les lieux protégés par le rainbow flag, à la recherche d’un peu moins de solitude.

« J’ai déjà un portemanteau, tu peux ajouter mon pull s’il te plait il fait grave chaud… »

Je lui tends mon pull et là elle me fait un truc que je n’ai pas prévu, elle secoue la tête. Non.

« Hein ? Pourquoi tu veux pas ? »

Elle boude elle fait encore non, mais elle ne dessert les lèvres que pour le type qui se pointe dans le sas, vestiaire obligatoire, deux euros. Moi je ne comprends toujours pas ce qui m’arrive, je suis sage, j’attends une seconde.

« Ecoute voilà mon ticket, tu le vois bien mon ticket, j’ai un ticket de vestiaire tu ne peux pas mettre mon pull avec ma parka ?»

De nouveau, elle opine du chef, avec plus de vigueur cette fois, il se pourrait que je commence à l’agacer. Elle est bien bonne.

« Si tu veux un autre vestiaire c’est deux euros »

Bon dieu de bon dieu, même dans une boîte à pédés j’inspire le mépris à une femme.

« …Tu es déjà venu poser ton pull tout à l’heure, tu me prends pour une conne ?

– mais enfin tu me confonds avec quelqu’un regarde je l’ai dans la main mon pull »

Le videur derrière me fait une petite remontrance, vas-y rentre avec ton verre et ton pull, il y a la queue dehors, pas de temps à perdre avec toi.

« M’enfin ! Quand même ! J’arrive elle rend ce service à un mec, et elle ne pourrait pas me le rendre ! En plus je lui ai demandé tout à l’heure si je pouvais revenir…

– Non mais ce n’est pas la peine de discuter Monsieur »

Attends, moi je trouve que c’est la peine. Je n’aime pas l’injustice. La fille dit que je suis déjà venu lui donner mon pull alors que je l’ai dans la main, c’est du delirium tremens caractérisé. Et si elle croit que je collecte tous les pulls du coin…

« Non mais il ne faut pas discuter Monsieur.

– …elle n’aura qu’à me donner mon portemanteau elle verra tout de suite que ce n’est pas le cas, non, vous n’êtes pas d’accord ? »

Alors le videur demande mes affaires et sans même vérifier mes dires me pousse vers la sortie.

« Maintenant vous sortez Monsieur, vous avez fini votre verre, vous le posez et vous sortez. »

Comme j’esquisse une petite protestation, il s’énerve et il m’envoie balader sur le trottoir. J’enfile vite mon pull et ma Parka, il faisait – 2°C en plein soleil tout à l’heure. J’ai une rage profonde qui me tenaille. J’ai honte aussi devant les gens qui me jettent des coups d’œil étonnés, peut-être même méprisants, qui attendent pour entrer dans cette boîte dont la porte blindée arbore les couleurs de l’arc-en-ciel.

mardi 18 décembre 2007

Rainbow Flag (1)

La musique, maldita, bat une sourde mesure, boum boum, les cœurs à l’unisson ça me réveille, c’est du désir, ça m’irrigue, je crois bien que je souris. J’entre ici sans bien savoir si j’en ai eu envie, je ne me souviens même pas d'avoir réfléchi, c’est toujours pareil, c’est l’alcool qui prend ce genre de décision. Dans le sas la fille du vestiaire est pénible, suspicieuse, elle ne répond pas à mes questions, je lui dis que je ne suis pas certain de vouloir me séparer de mon pull est-ce que je pourrais le ramener si j’ai trop chaud ? Je veux dire, sur le même vestiaire ? C’est là que je vois un mec qui lui confie son pull et elle le range sur le portemanteau ou il a déjà son sac pumas et sa parka avec la capuche en fourrure. Chouette, alors j’y vais avec mon pull, faut pas voir de problème où il n’y en a pas.

C’est un truc que tout le monde ne comprend pas, cette espèce de soulagement quand j’entre dans un lieu protégé par le rainbow flag. Les altermondialistes lui ont ajouté un mot : PACE, qui lui va tellement bien. J’ai laissé les copains tout à l’heure au sortir du bar qui est pour nous les potes du quartier un point d’attache, un rendez-vous, un antre et pourtant je n’y suis jamais tout à fait à l'aise. Sur moi, sur mes intentions, sur ma spontanéité, m'étouffant, subsiste une peau artificielle, lourde, aguerrie, endurcie peut-être par toutes ces habitudes, mes secrets, et qui ne se déchire pas comme ça. Les plaisanteries homophobes ne sont pas toujours malveillantes, mais voilà parfois elles le sont et surtout : elles sont quotidiennes, redondantes, usantes. Je sens le mépris sourdre, quand il n’éclate pas de rire ou de colère. Mes sentiments, mes désirs sont sous la menace d’un opprobre que pour l’instant je ne fais que regarder, je reste en marge. J’ai déjà expliqué que le désir me prête vie. Au bar des copains je meurs à petit feu. Une boîte ou un bar gay, en revanche, dès que j’en pousse la porte, je suis enfin en sécurité. Toute cette chape de peau calleuse et crasseuse qui m'enveloppait les tripes s’écarte comme un voile, je me sens m’ouvrir. Des gars en tee-shirt se concertent non loin du bar ils ont chacun des coiffures de star’ac, des beaux visages d’adolescents, de larges épaules et les cuisses vigoureuses… autant je peux les trouver fadasses en plein jour, dans la rue, autant là ils me font monter en température... « Souples adolescents » cette expression bandante de Jean Genet me revient tandis que je commande une vodka tonic au gros type chauve derrière le zinc. 9€, ben dites, ils ne se mouchent pas du pied. Je remarque que le barman a le crâne qui sue. J’ai trop chaud moi aussi, je retourne au vestiaire, je vais laisser mon pull.

lundi 17 décembre 2007

L'heure d'y aller

« Elle est nulle »

Voilà, c’est de cette (cruelle) façon qu’on me cueille au sortir de ma sieste, juste avant l’apéro. Mon travail est (honteusement) vilipendé par la profession, incapable de sortir de ses carcans (idéologiques). Selon ses critères (obtus) mon interview est mal écrite, on ne comprend rien et en plus elle est trop longue on avait dit deux feuillets tu me fais 3800 on ne te paye pas pour te tourner les pouces va falloir que tu te réveilles hein pourtant on n’est pas difficile c’est moi qui te le dit si tu bossais pour l’Equipe, ah non, mauvais exemple, disons pour Libé, ah non, alors disons pour Le Monde eh ben ce serait dix fois plus dur.

« Euuh écoute, je te le réécris tout de suite…

– Il est 16 h, je le veux à 17 h, ok ?

– 18 h ?

– Non, tu te débrouilles, si ton papier est une merde, moi, il me faut le temps de réagir, alors 18 h !

Et tu déconnes pas hein sinon tu sais des pigistes… »

Pfff pire que les chefs, ce sont les petits chefs. Ils n’ont que le pouvoir de nuire alors… ils nuisent. Je veux bien admettre que je ne me suis pas défoncé pour cet article j’ai même failli m’endormir devant, mais est-ce que c’est une raison ? Menacer un être humain de lui supprimer son unique source de revenu, est-ce que ça se fait ? D’accord mon interview n’est pas super bien écrite, est-ce que c’est une raison pour me jeter, moi, ma femme et mes gosses, à la rue ? Les patrons ont quand même une responsabilité sociale, non ? Quoi ? Je n’ai pas de gosses ?

Je n’ai su lui donner mon papier qu’à 19 h 15, je me suis pris une avoiné. L’heure de l’apéro est donc passée sans moi, je retrouve quelques potes avinés à la bière au comptoir de notre café habituel et l’ambiance n’est pas à la fête. J’avais oublié le vernissage. Quand je me pointe, je touche la main d’une dizaine de personnes et j’en bise à peu près autant. Le mec qui a accroché ses toiles aux murs est saoul, il déblatère sur la condition d’artiste, pas pour dire on est malheureux, on nous méprise, non non non. Le jeune homme explique qu’au contraire ce sont les autres qui ont des vies de merde, en faits c’est tellement vrai que les trois quart de l’audience (l’autre quart se croit artiste) commence à faire une tronche limite vexée et il y en a un, finalement, qui fini par l’ouvrir : ouais ben faut des gens pour faire le sale boulot et on n’est pas tous des artistes et puis pourquoi le taux de suicide est plus élevé chez les artistes, hein, s’ils sont si heureux pourquoi ils se donnent la mort, t’as réfléchi à ça ?

« Et d’ailleurs qui va se les payer tes toiles, si ce n’est pas un type qui trime comme une bouse toute la journée ? »

Alors l’artiste qui se trouve être à la tête d’une armée d’invendues, belles toiles barbouillées de couleurs sombres, femmes schématiques aux seins ronds, aux mains noires et gluantes, il monte sur ses grands chevaux en insultant tout le monde, bande de serviles grouillots du patronat, ventre mou de l’éducation nationale réfugié dans le soucis de la performance picolatoire… En vrai, il fait mouche…

La bière tourne vinaigre, ce doit être la froidure, je ne sais pas, l’approche des agapes de fin d’année, la perspective déprimante de noël, la concurrence du champagne. Les mines sont blêmes, les mentons mal rasés et les yeux cernés tombent parfois de leurs orbites, comme pour se noyer dans le brouillard d’un verre de mousse. Au-dessus du zinc où se reflète parfois le sourire du vainqueur, unes à unes les nuques ont achevé de se courber. Les éclats de la dispute me parviennent à présent dilués. Le brouhaha du café, les verres que je creuse en silence. Je gère. L’humiliation m’est une compagne salope, comme à tous ceux perdus dans ce trou qui n’en voient pas le fond. Je voudrais bercer un garçon, l’enculer, défaillir et je tais ce désir, encore une fois. J’attends l’heure d’y aller.

vendredi 14 décembre 2007

Concombre

L’oiseau blanc me rappelle, ce qui m’évite de le faire. Tu fais quoi ? Rien. Tu manges avec moi ? Oui. Tu viens on va dans ce restaurant qui fait des grosses salades pour toi et des énormes hamburgers dégueu pour moi ? Si tu veux.

Tu vois, il me dit, ce mec je l’ai ramassé comme toi au DV1, j’aime bien les gros il me dit aussi, tu sais, oui ça va j’ai compris. Je fais des efforts pourtant, je vais courir, je bouffe pas trop, ok, mais pour lui je suis un peu gros. Je n’arrive pas à savoir comment il me voit. Ça lui a foutu les boules ou quoi que je perde 3 kg rien que d’être avec lui ? Il me raconte sa soirée et j’en ai rien à foutre, hein, sans déconner.

« Tu la connais la Pierre-Yves, comme elle peut être pute, une salope de première… »

La Pierre-Yves, la Vincent… Merde j’espère qu’il ne parle pas de moi comme ça à ses copines, je veux dire à Pierre-Yves et Vincent.

« Alors la Pierre-Yves tu la connais, elle a jeté son jules devant tout le monde, lui il était vert, nous on s’est marré t’aurais vu la tronche, surtout que comme d’habitude ils ont fini la soirée ensemble. La Pierre-Yves elle avait eu le temps…

– …de sucer des queues ?

– Mais t’es d’un vulgaire ! Arrrête de dire ces trucs ! Quand même, oui, c’est vrai, elle en a sucé une ou deux.

– ...Et toi bien sûr tu es allé fourrer ta langue n’importe où !

– Ah si tu es grognon moi je pars, je te parle plus après »

Bon ok, faut le laisser jacasser quoi. Mon oiseau blanc me prend la main, il comprend peut-être qu’il vaut mieux ne pas trop insister sur ses propres exploits, sur le gros beauf’ qu’il a dû se ramener, et bon, son sourire me calme. La Vincent, un super bogosse au passage, super tantouze aussi, un peu intimidante, elle s’est mise torse nu dans la boîte pour exciter le mâle et inutile de dire qu’elle y arrive fort bien cette petite chienne. Les trois copains étaient ce soir-là totalement pétés, bourrés de cachetons parce que la farine eh ben ça coûte cher. La nite de fou avec des bandaisons des baisers des dragues et des sucettes sauvages. Lyon est un paradis pour les jeunes pédés de la région qui viennent pour trouver un boulot, pour étudier, bref, ciao papa maman et vive la vie, vive le cul, vive les garçons. Ils espacent les visites chez les parents, un peu comme tout le monde finalement, sauf que quand on a commencé à lâcher le morceau, pas facile de renouer avec les anciens réflexes, faire semblant, reprendre le fil d’un secret qui pourtant, en ville, est éventé. En attendant, l’oiseau blanc est à Lyon et il plane complet, il fait tourner sa langue comme d’autres leurs jupes, avec légèreté mais faut qu’ça r'mue, bébé, tant qu’ça peut… Et ce n'est pas qu'il ait le moindre talent ce bougre, ni pour baiser, ni pour danser, il a la jeunesse, le fessier bien moulé et les oreilles décollées, il a le muscle chaud, le ventre blême et le culot qu'il faut.

Il prend un dessert moi un café. Je voudrais être avec lui toute la journée mais il vaudrait mieux qu'il ne le sente pas trop. Bon faut que j'y aille, j'ai du boulot je dis.

jeudi 13 décembre 2007

V

Comment te dessiner si je ne t’ai pas rencontré ? Puisque un soir de Juillet plus doux que les autres, l’oiseau blanc s’est posé sur moi, je peux imaginer ton poids, j’ai une idée de ta force. Ta corpulence, entre mes bras, s’impose et dans les creux de toi je m’installe, de toutes mes épaules, de mes biceps gonflés à rompre, je veux te tenir, peau contre peau, contre moi.

L’oiseau ne se pose qu’un instant même en le plus douillet des nids. Alors maintenant est-ce que je puis t’imaginer ? Et, tiens, me lis-tu ?

Ballade dans la capitale des Gaules. Je vais rentrer me cuisiner un bœuf bourguignon ou des rognons de veau à la crème d’ail et au persil. A moins que je ne me fasse des pâtes à l’eau avec un filet d’huile d’olive, on verra. Mais ce n’est pas encore le moment de décider, car pour l’heure, je suis en arrêt devant un sublime rayon de soleil au beau milieu du pont de la Guillotière. Un peu groggy je me détourne de ce bonheur un instant aperçu, et je lutte contre mon désir d’en voir un peu plus. Je sais ce qu'est le bonheur et… je n’en veux plus. Je m’accoude tout de même au garde-fou de pierre comme pour mater la vue et hop un coup d’œil vers la jolie silhouette qui s’éloigne. Le sentiment de me réfugier une fraction de seconde entre son cuir cousu de fermetures éclair et son pull de fines mailles bleutées… et c’est là que je suis estomaqué par un autre profil. Malgré le froid, un jeune homme montre sa gorge blanche, elle bondit depuis le col en V de son chandail. Je sais bien ce que ça veut dire, j’ai la libido qui fait une violente rechute. Je te cherche dans tous les garçons bien faits que je croise. Je peux tomber amoureux d’un instant à l’autre, c’est dangereux.

Lorsqu’une jolie silhouette s’éloigne sur un pont sans m’avoir jeté le moindre regard, c’est un peu comme si tu me laissais. Tu m’abandonnes ainsi dix fois, vingt fois par jour et j’en ai chaque fois la gorge qui se sert.

lundi 10 décembre 2007

Danseuses

Le rendez-vous de ce matin ne s’est pas mal passé. La donzelle était rodée, moi j’en avais rien à faire de ce qu’elle me racontait, je lui donnais du hum, du hin hin, du mmmm et cela lui a suffit. Deux feuillets, il me fallait deux feuillets et bingo, à peine le temps de poser une ou deux questions, en 30 minutes l’entretien était torché. « Alors comment a débuté cette incroyable aventure ? » Reste la rédaction de l'article, je ferais ça une partie de l’après-midi. Il me reste du temps avant d’aller manger un bout et je flâne sur les quais du Rhône en pensant à mes danseuses, je veux dire, aux femmes que j’ai interrogées et qui, à une époque, me faisaient fantasmer. Bien sûr c’était avant de décider que je n’en mettrais jamais dans mon lit, beuark, quand j’y pense. Je me disais paf je tombe amoureux, elle aussi, et on arrête ces délires pédérastiques, ces obsessions de fesses de garçon, de ventre de garçon, d’épaules et de cuisses et de pectoraux et de bouche et de… Bref… Lorsque je dois interroger quelqu’un, j’espère toujours au moins une rencontre, une inspiration. Un pigiste qui vivote n’a pas les moyens de refuser le travail et, du coup, je me retrouve parfois nez à nez avec une fille qui doit me parler de trucs dont je n’ai rien à faire – de danse par exemple. Avec une chemise aussi légère qu’une nuisette, les petits seins pointant sous un brouillard de tissu froissé, des sourires, une bonne humeur, une fragilité devinée… une fille peut m’émouvoir. Un parfum de nudité. Un effluve de sa nuit, une idée de son corps ensommeillé. Longtemps j’ai espéré, sans y croire, tomber amoureux d’une de ses si précieuses impressions. Je me fais une introspection, de temps en temps, la révision des un an. Une fille peut m’émouvoir, m’intimider à cause de sa beauté, pas m’ébranler. Je traverse le pont de la Guillotière en direction de la presqu’île. Pour ce garçon qu’un rayon de soleil a caressé devant moi, en revanche, je me sens prêt à tout.

samedi 8 décembre 2007

Les ouvriers sont des cons

Les mots me manquent. Tous les matins, après l’insulte rassérénante du débile d’en dessous, en cliquant sur Rue89 ou sur Libé je subis l’humiliation de me voir représenté en Libye ou aux USA par notre PDG de la République. En même temps si je pense à tous ces prolos, à tous ces petits retraités qui ont voté pour lui, alors là je me marre. Ça me rappelle ce que me disait un copain du Lycée, qui savait très bien de quoi il parlait : « les ouvriers sont des cons » C’est tellement vrai ! Déjà qu’on les prend pour des serfs à l’usine ou à l’ANPE, en plus on réussit à leur faire croire qu’ils pourront s’enrichir dans l’avenir et, donc, arrêter de payer trop d’impôt. Pardon, je ricane. Leur pouvoir d’achat, divisé par deux à cause de l’augmentation de l’immobilier, on leur fait croire qu’ils pourront le rattraper en bossant quelques heures de plus et, aussi, grâce à un meilleur taux d’épargne. Un foutage de gueule de cette ampleur, franchement, je me dis que c’est trop gros les gens vont s’en apercevoir. Et non. Il y a des voix qui s’élèvent, des journalistes qui s’interrogent et il y en a même qui informent. Rien ne vient troubler le jeu de Sarko. Il nous dit qu’il veut améliorer le pouvoir d’achat, se garde bien d’ajouter que le meilleur moyen pour cela serait d’augmenter les salaires, ce qui aurait en plus l’avantage de limiter les déficits sociaux. En clair la sécu peut bien crever. Evidemment, je m’énerve dès que je tombe par hasard sur un article. J’ai compris que je suis journaliste et que je devrais lire la presse tous les jours mais enfin… Peut-on m’obliger à ne passer que des journées de merde ?

Alors même au boulot, mon sujet, ma préoccupation, c'est ouam.

vendredi 7 décembre 2007

Merde le lait

Je ne choisis pas l’heure de mon réveil, je suis comme tout le monde. Pourtant je n’ai pas trop d’horaire. Mais voilà j’ai un voisin qui décide pour moi. De bon matin, une bordée d’injures plus dégueulasses les unes que les autres, les femmes sont des PUTES et moi je ne suis qu’un gros PEDE qui NETTOIE SES GODEMICHETS devant sa TELE. Je ne sais pas ce qui lui fait dire ça, mais ça me met dans un état de panique, je me sens traqué. Il a mis des caméras chez moi ou quoi ? ATTENTION JE VAIS LE DIRE A TA MAMAN, je gueule et il flippe comme un marmot il se tait. Sous la couette, maintenant que je me suis énervé, je ne vais pas me rendormir. De toute façon il faut s’attendre à ce que ce gros connard de schizo de merde et j'en ai rien à battre qu'il soit malade il me bouffe la vie c'est tout ce que je sais, se remette à m’insulter d’ici pas tard, à moins qu’il ne décide de venir taper à ma porte pour protester contre ma sexualité débridée. C’est pas possible il doit aussi lire dans mes pensées, combien j’en ai rêvé hein, de parties fines ? Parce que je ne fais que les rêver avouons-le. Je me lève donc dans le pâté, la tête prête à sonner creux si je ne me décide pas à vite gober un ou deux Dolipranes, ça me fait penser à Guillaume Dustan, toujours, le Doliprane. J’ai froid j’enfile un pull, je remets le chauffage et je lave la vaisselle, de l’eau tiédasse sur mes doigts, des restes de lait brûlé s'enfuit sous le jet. La casserole sur le feu, le lait demi-écrémé UHT dans la casserole. France Culture en fond, j’attends que démarre l’ordinateur, clic, clicclic, clic, ouam.chotte@yahoo.fr, vous avez 3 nouveaux messages waou. Je pense à mon oiseau, le blanc. Bizarre ça sent le brûlé. Je me décide à demander de ses nouvelles dès aujourd’hui, je vais être inquiet sinon. Merde le lait.

jeudi 6 décembre 2007

Hypothèse plus crédible : je suis Dieu

Bref, n’hésitons plus. Je ne sais pas pourquoi je discute. Je suis Dieu, Son fils et le Saint-Esprit et ce livre est Le livre. Ouais, en faits c’est ça, Dieu, chaque jour je le vois, dans la petite glace mouchetée de traces de dentifrice callée au-dessus de l’évier. C’est un coin sombre de l’appartement, pas d’ampoule électrique, tant mieux, ça me permet de ne pas trop la détailler, sa gueule de con, à Dieu.

En tant que Dieu, faudra que je m’imagine plus jeune, plus beau et surtout avec des gars tout nus sur mon pieu. Des tas. Des qui ne demanderaient que ça en plus, oui, et pourquoi pas hein ? Moi aussi j'ai des envies, des trucs qui cheminent dans mon ventre tels des champignons des parasites qui me croquent le foie, tapent à l'alvéole, cherchent une sortie, la trouvent par la gorge, m’asphyxient, se saisissent de mon raisonnement, le contraignent. Et je ne parle pas de mon trou du cul qu'est fermé, clic clac, double tour, la clef dans un sourire ? Dans un puits profond, mon amour, ce sourire un puits profond, t'as pas cru que t'allais pouvoir enculer Dieu comme ça non ? En tant que Dieu je veux des garçons sur mon pieu les voir s’envoler j'écris ça.

Passons sur le faits que Dieu, paraît-il, selon certains experts, enfin moi ce que j’en dis… Bref, il vient à mes oreilles que Dieu n’est pas sensé écrire son livre. D’habitude il faut un intercesseur, un évangéliste, voire même un prophète. Un amoureux. Un écrivain ?

Je n’en peux plus de mes bondieuseries. Je ne sais pas pourquoi je suis parti sur l’idée de Dieu, alors que je n’en ai rien à battre. C’est juste parti d’une prière.

mercredi 5 décembre 2007

Hypothèse n°2 : Dieu est ma lettre d'amour

Parce que tu n’as, aujourd’hui, pas d’autre visage. Qu’une somme de pages noircies, parfois reliée par un boudin de spirales. Dos cartonné noir. Les romans, les poèmes que j’écris te sont tous adressés. Peu à peu ils te dessinent et ce dessin m’échappe tout autant qu’il m’inspire.

C’est un jour Derrida à la télé. Il évoque une voix interne qui n’est pas tout à fait celle qu’il donne à entendre et qui pourtant est la sienne. Lui dit éprouver la sensation d’une voix qui lui dicte ses livres. Je dirais que ce que j’écris est une recherche de corrélation entre cette voix intérieure, avec son rythme, ses accents et ses sonorités (sa chanson ?). L’impression que cet effort pourrait être comme un dialogue entre moi et moi et que la phrase – dès que je l’estime satisfaisante – règle pour un temps non le conflit – je n’en ressens aucun – mais plutôt la dichotomie, le flou. L’écriture est une recherche de cohérence, dit Judith Lesur, j’ajouterais : d’unité.

Toujours est-il que écrire me transforme. Ma lettre d’amour, peu à peu, me détermine. S’il est vrai que l’auteur enfante son oeuvre, l’évidence m’apparaît que le livre, également, porte en lui son auteur : non tout à fait comme une mère, alors, plutôt comme un Dieu ?

J’ai quand même envie de dire qu’au début il y a toi et moi. Moi et mon fantasme de toi. Oui, au commencement, il y a Moi.

mardi 4 décembre 2007

Hypothèse n°1 : Tu es Dieu

Je pourrais raconter que je t’ai déjà vu. Cette rencontre, je la ressasse depuis 15 ans, c’était au Lycée, je savais que j’étais pédé alors j’avais tendance à baisser les yeux. Je les ai levé vers toi. Point de suspension. Ce moment, quand je l’évoque, c’est un peu pour qu’il dure. Point de suspension. Tu étais entre deux larges piliers de pierre dans le déambulatoire de l’établissement. Nous n’avons pas fait l’amour. Mais j’ai pu être ton ombre et j’ai été heureux. Le bonheur est une malédiction, il fut un sort jeté sur ma vie pour que je n’en fasse rien. Te téléphoner. Te voir. Me détacher de toi. Ecrire ma lettre d’amour. Te téléphoner. Parler de toi. Dire du mal de toi, parce que je t’en veux de ne pas bander pour moi et qu’il faudra bien que je commence à regarder ailleurs. Te voir. Te sourire, je me souviens de ce plaisir subtil, te sourire. Ecrire, encore. Attendre ton coup de fil. Rêver de toi. Te défendre contre les médisances qu’à vrai dire j’ai peut-être moi-même provoquées. Te parler en secret. Seul dans le secret de ma chambre. Ecrire ma lettre d’amour. Attendre.

Ce Dieu ne décide pas de ma vie. Mon amour pour Lui, néanmoins, la détermine. Et si je ne peux promener ma langue sur Son gland, entre Ses lèvres, si je ne peux pénétrer en Lui et s’Il ne veut le faire en moi… Il vaut mieux que je perde la foi. Je ne dois pas attendre la révélation, voilà, parce que eh bien la vierge, pour dire vrai je ne l’ai jamais vue (aveu tardif, chers camarades lycéens, les matins où j’étais à l’heure, c’était le hasard) et son fils encore moins… quoique, j’hésite. J’ai cru le voir en toi, Dieu magnifique, illusion, fantasme, et tu n’es plus aujourd’hui qu’une lettre d’amour.

lundi 3 décembre 2007

Prière

Saurais-je Madame depuis ce cloaque teigneux qui me baigne les cuisses, espérer ? Puisse ma voix monter, puisse ma supplique enfin, inspirer les tendresses que vous devez à mon âme, à ma peau, à mon sexe et aussi, il faut bien le dire, à mon trou du cul ? Ave femme vierge, je ne te souillerais pas. Ave Maria donne-moi ton fils (ben ouais). Un peu de musique, une clarté surnaturelle et paf, Dieu m’apparaît, jeune (il n’a pas 33 ans) et nu (et carrément baisable).

Est-ce qu’il est permis de se lâcher cinq minutes à propos de la sainte famille ? Oui parce qu’on m’a souvent dit lorsque j’arrivais à l’heure au Lycée, t’as vu la vierge, alors disons que je l’ai vu quelque fois mais c’est le bon Dieu que je n’ai toujours pas eu le plaisir d’apercevoir. Le fiston. Le super bogosse et tout. Les bras de Nadal, la croupe de Phelps, le sourire de Kaka, mes jambes à moi, le pied. Jésus se cambre accoudée au bar plastifié de l’Etoile opéra, je mate le bas de son dos, l’élastique de son caleçon. Elle ne rêve que de moi, la Jésus, de passer un moment agréable avec moi. Je la lui mettrais avec volupté dans les vestiaires d’une piscine municipale, là même où je peux lire Je susse des bites 12 00 80 99 00 ich will deine schwanz lecken j’en ai des suées.

Je pense à Guillaume Dustan qui dit à Pages tu es un dieu, après il a la honte alors il ajoute, avec cette si touchante modestie, moi aussi je suis un dieu c’est pour ça qu’on est ensemble. Je crois surtout que ce lieu commun qui lui échappe, c’est l’amour. L’amour agit comme une révélation, comme une foi subite. En Dieu ?

dimanche 2 décembre 2007

...que le vent chassait

On dormait dans les bras l’un de l’autre, ou presque, dans les limites de mes possibilités : oui parce qu’il y avait des moments de la nuit où j’éprouvais le besoin de m’écarter, eh, quoi, je n’ai pas l’habitude qu’on tienne autant à moi. En faits, je ne dormais guère à côté de l’oiseau blanc, je le regardais dormir et je ressentais la douceur d’un bras qui me cherche et m’enserre. Pour entendre la sienne, il m’arrivait de retenir ma respiration. J’étais en suspension. Mon bel amour, mon bel amour.

L’oiseau s’est envolé. Je me sens vide, sans but, il n’y a rien, comme lorsque j’ai regardé la télé toute la nuit et qu’au moment de me coucher je ne me rappelle plus ce que j’ai vu. Sauf que là c’est toute la journée. Sauf que j’étais bien avec lui. J’aurais voulu le faire exploser en vol, qu’il jouisse comme jamais, je ne savais pas du tout comment m’y prendre mais voilà, c’est ce que je voulais. Qu’il trouve, grâce à mes jeux, avec ma langue, la volupté absolue, celle dont on ne veut plus se passer, celle qu’on voudrait éternelle. J’ai souvenir du poids d’un oiseau blanc sur ma poitrine, qui chassait cet air qui ne me remplit pas, qui circule au contraire entre ma tête et mon ventre en un grand courant insipide et tiède. Tomber. De toute ma hauteur, éprouver la dureté du sol, la chute, imiter ce poids sur moi. Expulser le vide.

samedi 1 décembre 2007

Textos

Bien rentrer ? moi suis completement crever. J espere te revoir tres vite. biz.

Hello. Je suis en pause encore 2h a tirer et j ai fini. Ca m fait plaise pour ton texto. biz.

Moi aussi j ai envie te faire des bisous. sui crever j ai mon ex ki a debarquer et ma emmerder. faudra que je te raconte j en peu plus. il a un probleme psychologique. Il me soul trop.

Rentrer a lyon ? suis presse d etre a demain

Hello. alors passer un bon week end ? bisous

Hello. tu veux passer chez moi ce soir ?

Ça va bien. vivement les vacances car je sture des gens au taff

J ai oublie te faire un bisous

Hello. tu va bien ? moi bien dans 2h c le week end. bisous.

Je sens que ce week end va etre tres tres long

Je t explique le tableau. sui assi autour d une table et attend que le temp passe. Les gens font la cuisine

Tu fais koi

C ki

Amuse toi bien moi j fait dodo. bisous. a demain

Hein ? c pas ma fete

Ha merci lol toi aussi bisous. ca va sinon ?

Tu va me tuer em m en vouloir mais suis pris juska dimanche. suis dsl. appel moi kan tu veux

Ben j ai pas l impression de ressentir la petite etincelle mai par contre j ai pas envi te perdre car tu es un mec super

Merci J peu comprendre que tu m en veux

vendredi 30 novembre 2007

"Il n'y a pas d'amour heureux"

Fou je l’ai été, à en crever, pas pour lui, pas encore. Ce mec-là, je m’en foutais, je ne l’avais même pas remarqué, d’ailleurs à première vue je ne l’aurais pas trouvé beau, ce rouquin. C’est après, c’est son regard, c’est son sourire quand il gagna en franchise, c’est son ventre, blanc comme un éclair de lune, et son nombril que je baisais avec tendresse, ce trou d’évacuation de mes hontes plongeant dans ses entrailles, ce garçon m’a ému et je n’avais d’yeux que pour lui. Pfff. Je te jure. De le voir avec ses taches de rousseur et ses oreilles décollées me mets en joie. Je veux toujours l’embrasser. Même en public. Ça m’aurait fait rigoler, un doigt d’honneur à la foule, je vous emmerde je suis pédé. J’en aurais rougi aussi peut-être. L’embrasser. Je suis certain que ça le soooule, grave trop, mais quand même, un bisou. Je ne mange plus guère, à ce moment-là, je m’abreuve à cette source d’abandon, je m’enivre. Pfff. Comme si j’étais amoureux quoi. Alors qu’au début début je n’avais en tête que cette idée de baiser un bon coup, de passer le pas et basta, ciao, on se recroise.

Ou alors le temps d’un été. Une histoire qui se serait terminée sur un redoux d’automne, un amour déliquescent qui nous serait resté en rubans colorés dans la mémoire, à l’image de celui qui claque au vent derrière le chapeau, je crois, de Madame de Rénal, des lambeaux de joliesse, les traces d’une tardive et vive adolescence, comme on garde ténue en soi la belle émotion d’un film de la nouvelle vague à Paris. Ma nostalgie s’endormirait doucement, un cœur joyeux d’éternel nouveau né, si petit, si petit que je ne serais pas toujours capable de le nommer, battrait pour toujours dans un coin de mon cerveau, dans mes désirs et mes romans. Maintenant l’oiseau blanc et ses regards d’enfant blessé, ses francs sourires et les timides aussi, planent sur ma solitude.

jeudi 29 novembre 2007

Confesse

Je tremblais en sortant de la boîte gay et je devais paraître have. Si bien qu’il m’a dit là je le vois que tu es bourré. Je l’étais mais c’était aussi l’excuse que j’avais trouvée pour mon mutisme, mon malaise. Putain c’est comme si j’avais été téléguidé jusque là. Toute cette soirée, le bar de l’Atmo, le copain qui se fait une fille alors du coup je m’ennuie, je sais que je n’ai rien à faire ici, je voudrais être avec des pédés quoi, oh et puis surtout le coup de fil de la veille, à 4 heure du mat’, quand Jane ma pote, aussi schlass que moi, m’as dit : « Je te vois d’ici avec ton petit air distant méprisant tu dois être froid comme la mort dès qu’on t’approche… » et là-dessus elle avait raison, pas à dire, je le savais de toutes façons mais quand ce soir-là, plutôt que les remonter, j’ai descendu les pentes de la Croix Rousse jusqu’au DV1, la boîte gay… Lorsque l’oiseau blanc a posé ses ailes sur mes épaules et ses lèvres sur les miennes… J’ai pensé que je ne devais plus mépriser le regard qui me désire. J’ai pensé qu’une langue, un peu de salive… J’ai ouvert les lèvres, accepté l’intrusion. Faut pas rigoler, hein ? C’était mon premier baiser.

mardi 27 novembre 2007

Le bel oiseau...

« Chéri… »

Je rêve ou il m’appelle chéri ? Je me retourne et je dois faire une gueule particulière car il aurait presque honte le môme.

« Euh… Je peux t’appeler chéri ?

- Tu fais ce que tu veux, p’tit bonhomme »

Alors du coup je l’appelle p’tit bonhomme ça lui apprendra. Il sourit, pas le sourire quand il voulait arracher mes vêtements, un vrai sourire. Je me détourne, j’enfile mes jean’s.

« Chéri tu veux bien m’aider je dois aller à la Poste. »

Franchement qu’est-ce qu’on peut bien répondre à ça. Oui ? Il me confie ses papiers, sa carte bleue, comme s’il se mettait sous tutelle, ok, je prends, il se met sous mon aile. Je suis touché, ça me déstabilise pas mal, bon, faut dire que je ne suis pas non plus d’un naturel bavard bavard, en plus il m’a vu tout nu c’t’ange et du coup je le laisse un peu parler pendant qu’il replie le clic-clac.

« Oh faudra que je te montre j’ai trouvé un site Internet génial il y a une vidéo sur Britney tous les jours, je te jure c’est trop bien »

C’est trop bien.

« Elle va sortir un disque »

« Je suis allé la voir en concert »

« J’ai vu aussi la Madonna »

« Avec la Vincent on a attendu toute la nuit pour avoir des places tiens regarde les photos là Vincent c’est celle qu’est en Puma des pieds à la tête et qui tient un drapeau américain sur ses épaules, t’as vu la tente, c’est la notre, c’est une qu’on a emprunté y a pas besoin de la planter regarde c’est sur le parking, on s’est bien marré »

Trop bien.

Bien sûr, on pourrait dire que je suis cynique (avec un c), mais pendant qu’il me racontait tout ces trucs, je ne pensais pas à Britney… pourquoi aurais-je eu la gaule sinon ?

« T’as vu comme elle est mooooche ! » s’exclame-t-il en se serrant un peu plus contre moi.

« Chéri faudra que je t’emmène voir Kylie la prochaine fois »

Je lui dis que ça m’étonnerait p’tit bonhomme. Hem. Passons Justin Timberlake et autres chanteuses à pédé, et abordons eh bien disons… la télé ?

« Elle est super grosse » Je lui dis. « Ta télé »

« Ma télé oh c’est ma meilleure copine, j’adooore les séries américaines comme Desperates Housewifes et… »

Non, non, pardon, n’abordons pas. Plus le temps. Suce-moi vite fait qu’on aille à la Poste.

lundi 26 novembre 2007

Mentos

J’ai rencontré mon premier pédé grâce à l’Internet. A l’âge de 34 ans. Je me cachais derrière mon écran, un peu comme tout le monde, le Gentil Garçon, lui, m’a très vite donné rendez-vous, bonjour, bonjour, tu fais quoi dans la vie et demain à 17 heures ? Devant l’opéra ? J’ai dit oui avec la trouille au ventre, je lui ai dit que j’avais la trouille au ventre, il a rit un bon coup et m’a demandé : mais pourquoi ?

C’est ça. Pourquoi avoir peur. C’est ce que je me dis tout le temps. Comme s’il ne pouvait pas être, je ne sais pas moi, un bizarre. On a bu une bière, puis deux, on a mangé ensemble, je l’ai trouvé charmant et à la fin il m’a proposé un mentos. J’ai refusé bien sûr, par réflexe, en pensant que les bonbons ça fait grossir. Ce n’est pas que je sois au régime, je fais attention, alors un mentos, c’est quoi le rapport plaisir / sucre ? J’aurais voulu qu’il m’invite chez lui. Il m’aurait appris plein de trucs je suis sûr. Il m’a offert un mentos à la menthe, ah bon, et je suis rentré la queue basse. Ensuite, on s’est revu plusieurs fois, je me disais est-ce qu’il va sortir son tube de mentos et même j’ai acheté des Hollywood chewing-gum, en dragées sans sucre, parce que je me suis dit que c’était peut-être à mon tour de faire le premier pas, jamais je n’ai eu ce courage. La dernière fois, chez lui, un soir, tout d’un coup je veux partir et il me dit il n’y a pas le feu. C’est une invitation. L’occasion ou jamais de sucer un mentos. Il me parle avec douceur, il me semble fragile, la douceur chez un garçon, la fragilité. D’ailleurs en dévalant les escaliers je me retourne une seconde pour lui recommander de faire attention à lui. Pendant toute notre curieuse relation, qui ne dura au bas mot qu’un petit mois, il m’a répété cent fois qu’il acceptait une relation « sans ambiguïté » avec moi, ce qui ne me plaisait qu’à moitié, et là je crois lire un regret sur son (joli) visage. Je n’ai pas envie, je fouille un instant en moi mais rien. Je fuis. C’est fin mai, je sens en moi des poussées de désir, le printemps peut-être, mon livre m’appelle. J’aurais pu… enfin… mais mon désir, impérieux, m’empêcha d’aller dans son lit, qu’est-ce que je peux dire d’autre ? Alors, sûr, j’ai l’air bête aujourd’hui devant mon divx twink’s box taste my sperm gay porn xxx où il y a ce mec, celui qui a gardé ses chaussures et qui avale tout. J’ai déjà goûté le mien de sperme, pour savoir, quoi, c’est vrai que ça ne vaut pas le caviar (sur de la glace pilée avec un p’tit champagne avec des bulles fines fines fines). Enfin, quand j’ai quitté le Gentil Garçon tous ces trucs de cul (ou plutôt de queue) ne me faisaient ni chaud ni froid, rien. Je voulais écrire. Je vivais un printemps intérieur, mon roman bourgeonnait de mille mots en moi. Je ne ressentais que cette urgence, ce désir, ma fiction, ma lettre d’amour.

samedi 24 novembre 2007

La honte (3)

Dans une boite ou un bar de pédés. Mater les garçons. Observer les stratégies. Qu’est-ce que c’est moche, ça ressemble aux hétéros, les hétéros me dégoûtent. Une pauvre couillonne peut avoir deux ou trois mâles dégoulinant de bêtise, brûlant de lubricité, sur le râble qu’elle a plutôt large, enveloppé dans des jeans blanchis à la javel, mal coupés, incapables de contenir l’avachissement de la chair (à l’image, d’ailleurs, de son reprochable sous-tifs à la bretelle grisâtre tombant sur son bras gras). Et je ne parle pas (puis si tiens) de sa barrette-papillon en plastique rutilant au milieu de ses cheveux raidis au fer. Courtisée, la donzelle, non pour ses charmes, fort peu évidents, mais juste parce qu’elle a l’air « open ». Entre garçons, c'est-à-dire pendant que les filles s’emballent entre elles, on baisse l’éclairage et les plus jolis se branchent mutuellement, ils forment des groupes, consolident leurs frontières.

Bon ben une bière.

Je les regarde avec leurs fringues italiennes, sans classe, m’as-tu-vu, lunettes noires sur les joues, petits culs, appétissants, torses moulés, je les suivrais chacun au bout du monde, mais je n’ai pas le courage d’en choper un, le courage d’apparaître à mes yeux pour ce que je suis, un mec rongé de désirs lubriques, oui parce que je ne veux qu’une chose, je suis comme tout le monde, c’est leur mettre, avec douceur, au plus profond. Est-ce que j’ai honte de ça aussi ? Ni ma gueule ni mon corps n’attirent les hommes comme ma merde attirent les mouches (encore que ça reste à prouver, par contre, ma sueur... au bout de deux heures de marche il faut voir les nuées de mouches qui me poursuivent, je produis une sueur à faire saliver les mouches les moins bégueules), alors mon unique chance serait de dire bonsoir le premier. Bonsoir jeune patricien. Bon, puis après je dis quoi ? Faut m’aider, là. J’aimerais partager un cynisme bon enfant sur le coin d’un zinc obscur. Avec toi, oui, tiens, pourquoi pas. Comme l'oiseau blanc que je vais bientôt croiser, tu voudras chercher en moi l'étincelle sauf que toi, tu la trouveras. Aller, vaudrait mieux qu’on se croise maintenant parce que, à toi, je pourrais confier des trucs que même j’ai du mal à écrire. Tu m’offres un verre, je t’offre un verre, on parle en se dévisageant et on va partir ensemble. Tu me rassureras, ok ? Et voilà.

jeudi 22 novembre 2007

La honte (2)

Il faut toujours que la honte revienne. Ma fiction se fissure, j’ai croisé un regard, un reflet. Je n’ai pas écrit depuis plusieurs jours et je crois que j’en suis devenu incapable. Je me regarde. Je suis laid. J’ai honte. Je ne sais où diriger le faisceau de mon désir. Comme s’il se retournait contre moi. Il me vise le ventre, il entre dedans, il faut que j’aille courir, sinon… Je pourrais mourir, ce n’est jamais à exclure, je pourrais tenter de m’effacer devant un film de cul, je pourrais me blottir dans tes bras, je pourrais manger du pain noir aux noix pour noyer mon désir dans d’énormes quantités de merde. Car je ne sais écrire le livre qui s’illuminerait chaque fois qu’on l’ouvre, ou plutôt qui saurait être la représentation d’un désir fulgurant, le mien mais mêlé à celui du lecteur, explosions moléculaires concomitantes, vertu épidémique de la fiction, air et sang vicié par elle, par l’amour, par les désirs fluorescents qui s’empilent, s’élèvent, s’enfoncent, ciblent, louvoient, bref un livre/désir, un désir/livre, un roman d’amour. Au lieu de m’enfermer dans mon cauchemar, de gueuler SAC A MERDE ENCULE toute la nuit, de râler tout nu sur le plancher peint de ma chambre, au lieu d’essayer de m’arracher la bite avec les mains, au lieu d’enculer les morts, ouais, je pourrais même aller me bourrer la gueule, non ?

mercredi 21 novembre 2007

Sport

Dans la liste des moments où je vais mieux, il y a ceux que je dois au sport, à la dépense physique. Lorsque j’ai couru quelques kilomètres à fond, j’éprouve une petite euphorie, je suis content de moi. Si j’ai réussi un bon temps surtout. Après une grosse ballade en montagne j’ai un plaisir déraisonnable à étendre mes jambes, à me déshabiller. Les planches de bois du balcon, élastiques, amortissent mon poids. Le soleil qui a cuivré ma peau, à son tour rougit, peut-être de me voir nu, je me sèche en caleçon sous le petit vent. Mon corps n’est plus, pendant quelques minutes, ma honte.

Ma honte. Je chuchote. Ma honte. C’est ça, c’est ma pornographie, la honte. Le désir qui ne prête pas vie, le désir sans objet, la honte de soi.

Après une ballade je dors plutôt bien et quand je me réveille, j’aime écrire, travailler un peu. Bon puis j’ai faim. A midi, je mange, pas trop sinon… entre la culpabilité, le retour de la honte, quand le corps n’est plus vecteur de mon désir, qu’il n’est pas non plus l’objet du désir d’un autre, qu’il est mou, laid, bref, encombrant, entre ça et la maousse flemme qui pourrait bien me coûter une sieste, je plombe ma journée. Même endroit 16 h. Le choix crucial se fait là. Je bouffe, mon corps s’empèse, je prends mes clics et mes claques, je me promène – ou je cours – et mon corps se libère. Mon pas opère une scansion lorsque je marche, j’écris et autour c’est vivant, c’est musical et ça sent fort, c’est vivant. J’intègre le grand ensemble, moi aussi je vis, j’en éprouve la sensation, la sensualité. La végétation tour à tour me caresse et me blesse les mollets, je découvre un chemin recouvert d’herbes folles et, parmi elles, je suis bien.

C’est la vie, donc ce n’est pas la mort et ce n’est pas tout à fait l’oubli du corps, puisqu’il sent, puisqu’il jouit et qu’il souffre. Cependant, il ne pèse plus le même poids, il n’est plus le centre de mon attention. Il devient le centre de l’univers. Je crois que je ne le vois plus, il est toujours présent mais comme fantasmé, rayonnant tel un petit soleil.

mardi 20 novembre 2007

Le film porno

On dit toujours que le positif c’est le haut (du panier (oh mais ce n’est pas pour ça que je n’y mettrais pas la main ah ah) de la montagne, de la pyramide…). Et le bas et ben c’est quand je suis en dessous de tout. C’est comme ça qu’on dit. Bon alors voilà je suis plus bas que terre. Je me mate deux garçons tout nus qu’ont des bites comme des bras et qui s’enculent et tout. Un film. Des fois ils se pissent dessus, Piss me up, je pensais que j’allais peut-être trouver ça drôle et en fait ce n’est même pas dérangeant c’est juste crade. En plus ils doivent à moitié se brûler ces cons-là. Ce que je remarque en revanche c’est l’attitude de soumission du mec, il s’offre, à la limite l’autre pourrait bien lui chier dans la bouche. Je ne sais pas pourquoi il existe ce genre d’attitude dans le sexe. Spécifiquement chez les pédés, enfin, parce que chez nous, si je puis dire, c’est un sujet. Il y a une volonté d’avilissement par l’acte sexuel que je peux ressentir parfois. Je voudrais n’être plus rien. Une chose. Etre consommé, comme une baguette de pain ou une barquette de fraises, un truc agréable qui excite la gourmandise. Ou plutôt la voracité. Etre consommé, se consumer. Est-ce la manifestation d’un désir de mort ou d’une absence de désir qui me pousse à l’impérieuse nécessité de me fondre dans le désir d’un autre ? Est-ce que je veux mourir ? Et si l’expérience de la mort était la seule façon de se savoir vivant ? L’orgasme on a dit que c’était « la petite mort ». Vu comme ça, celui qui se soumet, cherchant à n’être plus rien, ne veut-il pas atteindre l’absolue volupté ? Qui se pourlèche de foutre, et surtout de celui qu’il recueille sur son visage, ne trouverait donc à donner naissance au monde – à l’animer – que dans la négation de soi et, simultanément, dans l’évidence et la projection du désir d’un autre ? La jouissance de l’humilié serait dans la certitude, ou au moins dans le spectacle du désir de son maître (appelons-le maître) ?

Le film porno. Il va bientôt finir et je n’ai même pas sorti ma bite (appelons-la bite). C’est vrai, il y a surtout des jours ou je voudrais consommer un garçon. Mais le corps que je fantasme au bout de ma queue (appelons-la aussi comme ça), jamais je ne veux le tuer. Avec mon glaive, avec mes dents, avec mes bras qui l’enserrent, je le veux sentir frétillant et vif. Oui parce que bien sûr il y des histoires de mecs qui se branlent dans des cadavres, moi ça ne me dit rien. Ici c’est pas Dennis Cooper, dommage, ouais, bon. Faut vivre dans un cauchemar pour ça, enfin pas pour l’écrire (et d’abord je ne connais rien à la vie de Dennis Cooper), mais pour le faire, en vrai de vrai. Genre schizo laissé à ses délires, je vois bien mon voisin du dessous faire un truc dans le genre, d’ailleurs TA GUEULE PAUV’ CON, j’en profite pour dire officiellement que j’en ai marre de cette raclure puante qui s’égosille nuit et jour, JE ME CONCENTRE JE BOSSE TA MOUILLE SAC A MERDE TOI-MEME, putain ce gars-là il a dû baiser sa maman un paquet de fois depuis qu’elle est morte, mais moi non je n’en suis pas encore à cette extrémité, je peux encore me branler tout seul (en plus ma mère n’est pas morte). Et le garçon bien vivant contre ma peau (j’en étais là non ?), il m’offre son trou, il se tortille, ou alors j’encule sa bouche, ploc, ploc, ploc, j’accélère, j’accélère et je n’ai aucun mépris pour lui, au contraire je lui suis reconnaissant, c’est un peu con de dire que je lui suis reconnaissant, mais quand même je le trouve mignon et j’espère qu’il a ce qu’il veut.

lundi 19 novembre 2007

Avant l'oiseau : le désir sans objet

Ce que je vois bien, là, c’est que je ne sais m’accrocher chaque jour à des motivations, à des raisons de vivre, c’est l’évidence, j’ai des hurlements, des trucs pas clairs, des sanglots, des désirs qui ne trouvent pas d’objet. Pour ça, je ne connais que l’écriture, et aussi courir, marcher, bouffer, gicler, ah oui gicler. Ce n’est jamais assez de toutes façons, enfin si, je pourrais bouffer, à la Marco Ferreri, jusqu’à en mourir, oui, mourir, c’est ça, c’est une solution. Qui sait, cela arrivera peut-être. En attendant j’ai besoin d’aller à la montagne, d’observer le ciel et de guetter le rayon vert comme un connard épuisé par des heures de marche au soleil. J’ai besoin d’avoir vécu un temps, chaque jour, avec mon livre. Et… J’ai besoin de toi. J’ai besoin de laisser mon désir rayonner non comme un astre qui tombe sous la crête d’une montagne, non comme une agonie, même sublimée par sa couleur ou par mon regard attentif et hagard, plutôt comme une projection explosive de tous mes sens, depuis mes muscles tièdes et élastiques, depuis ma bouche mouillée, depuis mon sexe pas dur, pas encore, juste avant, quand il émet son appel, depuis mes idées qui construisent, depuis mes mains qui forment des mots, qui caressent ou qui voudraient caresser. Mes pieds, alors, par la plante, tâtent d’un monde transformé, mes oreilles l’entendent, mes yeux le voient et je le respire : oui le monde est différent, il est vivant. C’est ce que mon désir fait au monde : il l’anime. Je te désire toi d’abord, l’homme ailé qui n’est pas encore l’oiseau blanc. Je désire mon livre alors qu’il n’est rien. Et si je n’ai, à ma porté, ni ta chair palpitante, frissonnante, ni les mots que j’essaie de griffonner, voilà, par exemple maintenant, les yeux cherchant le regard de Calaferte ou baisant la paupière fermée d’un amour ancien, mon désir creuse un gouffre sous moi, dessèche le monde, ou plutôt non : le liquéfie, me le colle à mes bottes, me fait des bottes de vide, lâche son sperme noir sur ma gueule, m’efface sous son flot de vide, m’aspire dans sa grande bouche Ô mon dragon, mon délicieux dragon, pourvu que tes lippes en feu, terrifiantes et saumâtres, pourvu, pourvu… Ah… Que ce ne soit pas un con ! Un vagin voudrait-il m’absorber ? Non ! Non ! Laissez-moi ! Laissez-moi sortir ! Je veux sortir de là ! Eho ! Y a quelqu’un ?

dimanche 18 novembre 2007

La honte (1)

Est-ce que je suis en train de tomber amoureux ? Pas ça, pas maintenant. Je ne peux pas baiser comme tout le monde et basta, ciao, on se recroise ? Power of love is cleaning my soul. Le sentiment me libère de mes hontes c’est vrai.

Pureté (2)

Un goût de queue persistant que je remâche sans y croire, pas très agréable, pas satisfaisant. Je vois les gens qui sortent de chez eux, qui vont au boulot peut-être, et moi je sais que derrière mon visage impassible, derrière mes lèvres scellées, mes papilles gardent le souvenir de sa bite. Je n’aime pas trop ce goût en faits. Sa queue, à mon oiseau, j’ai du mal à l’enfourner, ce n’est pas que j’hésite, je me dis mais tu te rends compte de ce que tu fais, là. Son ventre blême est une flaque mouvante de lumière dans l’obscurité de la chambre. Pendant la nuit, il y a le don, le baiser, l’extase, qui n’est certes pas dans le soulagement du désir mais bien au contraire dans le désir lui-même. Le désir n’est pas une douleur qu’il faudrait soulager : c’est ce que je projette vers l’univers et me permet de me fondre en lui. L’oiseau et moi serrés l’un contre l’autre, l’un pesant sur l’autre, échangeant des coups de langues et des fièvres. Quand après trois heures à son côté je suis sorti de chez lui j’avais à peine dormi et cette réminiscence sur ma langue, tandis que me brûlait la vue la lumière coruscante d’un matin d’été, était la preuve de mon passage dans l’autre monde. Un jus de gland peu ragoûtant mélange d’urine, de foutre, de sueur et peut-être aussi de savon. Dans le métro avec ce goût.

Pureté (1)

Aujourd’hui un grand oiseau blanc est venu se poser sur moi et son poids sur mes poumons m’est un délice d’air pur.

samedi 17 novembre 2007

L'étage suivant

A partir de là, tout change. Le baiser, même raté, transforme ma vision, annihile mon fantasme, esquisse une autre histoire, ce roman ? En tout cas je ne te regarde plus pareil. Tu n’es plus celui qui embrasse une jeune fille, à l’Atmo, à la plage, partout où je t’ai vu le faire. Tu n’es plus là. Tu t’es déplacé. Tu n’es plus ce garçon brun et longiligne que je ne me suis jamais lassé d’épier et tu ne vas pas te retrouver ce soir là à la porte de chez moi. Tu devais venir coucher, ce soir-là, tu habites une banlieue et tu es bourré, c’est dangereux de conduire bourré, enfin, les flics sont partout pendant que la justice, hein... Bon bref tu n’es pas venu en caisse, ça limite les risques. Bien sûr, tu pourrais essayer de niquer ta nouvelle recrue mais, bon, pas de capote. Pas de bras, pas de chocolat, c’est bien connu. Tu sonnes sans cesse à ma porte, oui, c’est peut-être toi, après tout, tu essaies tu essaies, c’est logique, tu me crois à l’intérieur.

« T’es mignon »

Mon pote, il pense qu’il va dormir sur le paillasson, à moins de rentrer à pieds, ça fait une trotte jusque chez sa mère alors il s’affole un peu. En plus il est saoul ce lourd et il faut s’attendre à ce qu’il commette quelque bêtise.

« On va s’asseoir ? »

En plein mois de juillet une fenêtre est restée ouverte, ma mère habite au deuxième, mon pote entame l’ascension.

« Je peux te poser une question ? »

D’abord la porte de l’allée, un énorme panneau de bois sculpté qui ne présente guère de difficultés, puis l’enseigne du coiffeur, mon pote réussi sans peine à se hisser sur la corniche de l’entresol.

« Tu es venu seul ? »

Mon pote, il lui faut maintenant atteindre l’étage suivant.

« Je peux te poser une question ? »

La pointe des pieds sur le rebord de la fenêtre de la voisine du dessous, il attrape la corniche du deuxième.

« Tu fais quoi dans la vie ? »

Mon pote est maintenant en plein milieu de la façade, l’avant-bras posé sur la corniche de pierre, la main droite tendue au-dessus de lui.
« Journaliste, je suis journaliste »
L’enjeu est de choper la grille de fer forgé qui orne le bas de la fenêtre visée, puis de s’accrocher comme à la vie.

« Ah ? Carrément ? »

Impulsion.

« Tu viens chez moi ? »

Le baiser (2)

« Tu as du feu ? »

Je remarque que le garçon qui m’aborde n’a pas de cigarette à la main. Je réponds :

« Pour quoi faire ? »

Il me sourit.

Non.

« Tu as du feu ? »

Je réponds non et je remarque qu’il n’a pas de cigarette à la main.

« J’ai arrêté de fumer »

- T’es mignon »

Je viens de traverser la boîte, avant c’était le Kino ici, une salle de concert alternative, je n’y ai jamais rien entendu de mémorable, je n’y allais pas trop en faits.

« T’es mignon »

Entre deux salles, les chiottes dont on a découpé le haut des portes, puis un couloir étroit en épingle. C’est là qu’un tout rouquin m’adresse la parole.

« T’as du feu ? »

Il demande et moi je réalise qu’il me drague. Je m’apprête à lui mettre un vent. Je suis en train d’armer mon regard de tueur, il a un air vicieux quand il me dit :

« T’es mignon »

Il me plaque contre le mur, tente de m’embrasser. Je détourne le visage. Je cherche ses yeux. Il recommence, plus lentement. Premier baiser.

vendredi 16 novembre 2007

Le baiser (1)

C’est une soirée. Avec toi. Avec les autres aussi, un ou deux amis de nos vingt ans, la bohèmeu la bohèmeu. On est à l’alcool blanc, on cache la bouteille dans la rue et on y va à tour de rôle. La bohèmeu. L’Atmo est un bar qui existait déjà, à l’époque, mais aujourd’hui on a 35 ans et ça nous fait bien rire d’être toujours aussi bête. Comme d’habitude tu aimantes une nana, tu me négliges, elle a l’air de t’adorer et je ne peux rien dire, d’abord je suis hétéro, ensuite, toi, hétéro, il n’y a pas de doute. Je pars seul, pas de quoi s’alarmer, pour toi comme pour les autres car vous savez tous que je suis le plus insatiable, la vodka c’est mon truc. Je sors seul dans la rue, montée des carmélites, tandis que ça chauffe dur la donzelle sur un Noir Désir un peu trop langoureux. Je prends le chemin de la maison, c'est-à-dire de chez ma mère, oui je squatte un peu en ce moment, c’est juste qu’elle est en vacances et que son appartement est un poil plus confortable que mon trou à rat qui pue. En plus elle a la télé. Cette nuit-là, inspiration de dernière minute, je dévie de ma trajectoire.

On pourrait même croire, ici, en une contraction subite de l’espace / temps. Plutôt que de les remonter, je descends les pentes de la Croix Rousse.

Les deux impulsions, aussi curieux que cela puisse paraître, ne se contredisent pas. Elles sont concomitantes et, sur le moment, synonymes :

1 – Je décide de rentrer chez moi ;

2 – J’entre dans la boîte de nuit gay.