jeudi 19 juin 2008

Journaliste (1)

Bon c’est vrai que les Théâtres du Peuple et autres Centres Culturels, égarés, semés ici ou là parmi les banlieues rouges, défrichent souvent la création contemporaine, découvrent les nouveaux talents et font venir un public parfois assez surprenant, bariolé, et même des lyonnais. Mais qu’est-ce que cela peut me faire, hein. La banlieue c’est un trou, et je ne prends pas un pied énorme à me transporter en commun. Ce n’est pas que je sois de mauvaise humeur, mais il flotte. Soudain, un journaliste sans scrupule se pointe. De connivence avec l’artiste, lui-même saltimbanque et donc, par définition, de passage, il se tire, mets les bouts, s’arrache, bref, repart aussitôt d’où il était venu. Nous l’apprendrons, la responsable de la communication de ce Théâtre excentré a subi une panne de voiture en quittant son domicile croix-roussien, ce qui explique les portes fermées. Après avoir tourné un moment avec sa bagnole défoncée, nous voilà avec mon danseur dans un café du 1er Arrondissement de la capitale des Gaules. Oui, à Lyon, d’ailleurs soyons précis, à la Croix Rousse. Le client - oui, le professionnel appelle ainsi la personne qu'il interroge, c'est un hasard - est timide, bien que n’éprouvant aucune difficulté à parler. L’empathie marche à plein et son discours à la fois nu et pensé, nuancé, ambitieux, m’inspire. Il est sincère, cohérent, explique sa démarche grâce à des citations de ses confrères, de bouquins, de films de cinéma... Et puis il évoque des épisodes de sa vie personnelle, une séparation, l'incompréhension de ses parents... Si bien que je me fais l’effet d’être un voyeur, un de ceux qui veillent dans les livres de Dennis Cooper. Le tueur s’introduit dans les jardins d’une suburb (type Long Island dans L.I.E. de Mickaël Cuesta) et se régale d’un adolescent qui se dépiaute derrière un bow-window. Ou bien il s’émeut du même môme qui se branle en soupirant avant de se coucher… Ou encore c’est un autre gamin qui s’écœure en matant un jeunot qui défèque dans la bouche d’un vieux… Non, pas à se point, qu’est-ce qui me prend, je débloque trop, je vais vomir. N’empêche, sans aller jusque là, je me sens gêné, impressionné, coupable. Honteux de n’être qu’un témoin, de n’avoir aucun rôle, c’est bien mon mal, je suis toujours à côté de la vie, jamais dedans. Pardon, je n’ai rien vu, je m’en vais, je vous laisse tranquille, excusez-moi, je ne voulais pas... Pourtant, j’éprouve aussi le sentiment, contradictoire, d’être invité à vivre des aventures inédites, sensuelles, intimes, en compagnie de ce jeune homme à l’allure triste et l’insondable grâce.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

En même temps, il y a transports en commun et transports en commun :)

Anonyme a dit…

"en matant un jeunot qui défèque dans la bouche d’un vieux…" : les japonaises vomitives n'ont qu'à bien se tenir !

J'expérimente chaque jour le sentiment d'être impudique en me racontant à qui veut m'entendre.
Au final, du présumé impudique ou du mec sous armure je ne sais pas qui est le plus dans le pathos. En ne se dévoilant pas, de quoi se protège-t-on ? Quelle est donc cette main vengeresse qui s'abat sur ceux qui racontent leur vie ?
Etre "transparent" peut d'ailleurs être une forme de protection. Quand on a rien à cacher, quand tout est offert, rien ne pourra "être utilisé contre vous".

jane a dit…

En parlant de bouche, c'est moi qui ai recupéré tes paniers de légumes.
Bon, ravitaillement prévu vers 19h.
Chouette!

Moi aussi je deteste les transports en commun surtout le matin, l'odeur des autres pleins de parfums, ou plein de nuit me donnent la nausée.

Anonyme a dit…

Pourtant de bon matin, l'odeur du sperme séché, d'un homme qui revient du sex club, n'importe lequel, est terriblement attirante.

Víctor M. Fdez. a dit…

Ein, les temoins ont aussi un rôle et quelques fois ça c'est un rôle important s'ils savent interpréter correctement la realité.

Je t'embrasse et je te souhaite un bon week-end.

Ouam-Chotte a dit…

@olivier : oui...

@vitamineDD : caca dans bouche, c'est dans le roman intitulé Closer, de Dennis Cooper, chez POL.

Sur le dévoilement, tu dois avoir raison. D'ailleurs, si l'on considère la masse des blogs, on pourrait nous classer, peut-être, par catégories... Mais au final, nous racontons tous un peu les même choses.
Par contre, la "transparence", je ne sais pas, c'est un mot qui me glace (nost) le sang, un peu comme pureté, tu vois. Celui qui n'a pas de secret... Me semble suspect.

@jane : à toute.

@gary oh, t'es où ?

@quenelle : je savais que je pouvais compter sur toi mon bon.
Mais en vrai, le sperme séché tu ne trouves pas qu'on dirait de la javel ? Y'a des vieilles dames qui sentent comme ça. J'adore les vieilles, hein, mais l'odeur. Je ne suis pas super fan.

@victor : oui, mais si témoin, c'est un rôle...
Alors "play the part" (disait la baronne à son Lys blanc).

jane a dit…

Non mais, ma chère quenelle moi aussi j'avoue partager ton attirance pour le sperme, mais séché et sans indication de provenance en plus, bof, tous les vins n'ont pas le même goût...

Anonyme a dit…

Où je suis ? De retour ! Après un passage par ma campagne quimpéroise ... et par un congrès brestois (faut bien bosser de temps en temps, enfin, il parait).

Mais je suis de nouveau lyonnais, près à réagir à tes insanités ;-)

Le goût du sperme ? Dites donc les mecs, c'est pas très safe tout ça ...
c'est l'amour du risque qui vous fait bander ?

Ouam-Chotte a dit…

@gary : nous n'avions évoqué que l'odeur...

Anonyme a dit…

Pas tous, y'en a une qui parle du goût ...

Anonyme a dit…

Ouam, en effet on a probablement tous quelque chose à cacher, ne serait-ce que des choses anodines (peur du noir, meurtre d'un coléoptère un soir de janvier 2003, ...)

J'aurais envie de dire à Gary qu'il n'y a pas de cas de contamination HIV avérée par fellation mais je ne le ferai pas parce qu'au fond ça doit être lui qui a raison.
M'enfin quoi, les barebackers au bucher ?
Je suppose que leur sexualité est tout aussi respectable que la mienne ou la votre.

Anonyme a dit…

Je n'ai pas pu m'empêcher d'être un sale (petit) con. Désolé

Anonyme a dit…

Love : Tu as ASSASSINE UN COLEOPTERE ?!?!? Non mais, y'a des malades, j'vous jure ... mais que fait la police ?! ;-)

Anonyme a dit…

La police ? En revenant du centre ville, je les ai aperçu chez Mimile, le pti troquet en bas de ma rue :)